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Beethoven Schubert Laurent Cabasso PIANO
Beethoven
Schubert
Beethoven :
Variations Diabelli
Schubert :
Fantaisie Wanderer
Variation sur une valse de Diabelli
Laurent Cabasso, piano
Le pianiste Laurent
Cabasso après plusieurs disques de musique de chambre,
revient cette fois avec un disque pour piano seul et avec un programme
très dense ou plus exactement regroupant deux oeuvres de
grande ampleur ainsi " variations Diabelli" est
une oeuvre née dans des circonstances singulières.
En 1819, le compositeur et éditeur Anton Diabelli eut l'idée
de demander à une pléiade de compositeurs appartenant
à la sphère austro-hongroise de lui fournir chacun
une courte variation sur un thème de son cru. Opération
quasi publicitaire, puisque le volume ainsi constitué devait
servir à financer une aide pour les orphelins des guerres
napoléoniennes. Schubert, Czerny, Hummel et le tout jeune
Liszt furent parmi les contributeurs. Beethoven, jugeant le thème
prosaïque, rechigna longtemps, avant de livrer en 1823, à
la stupéfaction du commanditaire, non pas une, mais trente-trois
variations, explique Frédéric Sounac auteur du livret
de ce disque précisant que ces variations sont un incomparable
défi pour l'interprète et l'un des sommets de toute
la littérature pianistique...
Quant à la Wanderer Fantaisie, op. 15, D.760...."
Le diable devrait jouer ça ! " prétendit
Schubert lui-même à propos du Finale de cette grande
Fantaisie pour piano, l'unique jamais publiée de son vivant.
Cette exclamation sonne comme un aveu : entreprise en 1822 pour
répondre à une commande, l'oeuvre est sans doute
la seule dans laquelle Schubert s'aventure sur le terrain de la
virtuosité.Témoignant d'une volonté de puissance
unique dans sa production, cette Fantaisie en Ut majeur se déploie
au fil de quatre mouvements enchaînés (Allegro, Adagio,
Presto, Allegro) qui pourraient évoquer la forme sonate,
à ceci près que Schubert y développe avant
l'heure une poétique " cyclique ", dont se souviendra
d'ailleurs Liszt dans sa Sonate en Si mineur.
Pour un "retour" au disque seul Laurent Cabasso fait
donc très très fort ! Et cela non seulement par
l'ampleur des oeuvres de son programme mais aussi dans un jeu
très contrasté dans lequel la puissance impressionnante
dont il fait preuve pourrait "faire peur" même
si l'humour domine souvent comme l'indique Laurent Cabasso dans
l'entretien du livret repris ci-dessous et s'il n'y avait aussi
au contraire des instants dont l'extrême douceur et poésie
rassurent comme vous pourrez le constater dans les divers extraits
à écouter plus bas dans cette page ...
Laurent Cabasso qui vient de donner un concert le 7 novembre
2011 Salle Gaveau à Paris
sera de nouveau en concert Jeudi 10 novembre 2011 à 20h
Auditorium
Cité de la musique et de la danse, Strasbourg
Entrée libre sans réservation dans la limite des
places disponibles
*Entretien Frédéric Sounac et Laurent Cabasso
: (extrait du livret du CD publié avec l'aimable autorisation
du label Naïve )
F.S : Laurent Cabasso, pouvez-vous évoquer
le chemin qui vous a conduit à affronter ces deux massifs
pianistiques que sont la Wanderer Fantasie et les Variations Diabelli
?
L.C : Depuis mon adolescence, les Variations Diabelli exercent
sur moi une véritable fascination. Je les lisais régulièrement,
j'en rêvais, puis j'ai senti que le moment était
enfin venu de les jouer d'abord en public, puis de les enregistrer.
Il y avait tout simplement l'envie purement physique, d'aborder
un tel univers, ce qui est vrai aussi pour la Wanderer Fantasie.
Je me suis toujours senti attiré de manière impulsive
vers certaines partitions, mais je me suis rendu compte que paradoxalement,
il s'agissait souvent d'oeuvres extrêmement structurées,
qui ont un caractère d'organisme cohérent, de monde
clos. Sans doute suis-je stimulé par cette dialectique
de l'ordre et du délire : révéler des formes
solides dans ce qui semble être pur éclat de pensée,
ou instiller de l'inattendu, de l'irrationnel, dans ce qui est
très architecturé.
F.S : Les Diabelli, en particulier, ont
acquis un statut presque mythique, et sont devenues, avec l'icône
culturelle qu'est le " dernier Beethoven ", le paradigme
de la musique spéculative. Quelles affinités voyez-vous
entre les deux oeuvres ?
L.C : D'abord, elles sont exactement contemporaines l'une de l'autre,
et possèdent quelque chose d'extrême et de marginal
dans la production de leur compositeur. Elles témoignent
aussi de la manière dont le principe de variation est alors
en train de transformer la pensée musicale. L'Adagio de
la Wanderer, avec ses variations, est une mise en abyme de toute
la partition, qui concentre de manière énergétique
les dérives, les errances d'un thème de lied. Le
" voyageur ", c'est avant tout la mélodie... Avec Beethoven, le vagabondage romantique devient exploration
d'un inconnu intérieur, jusqu'au bout d'une logique qui
finit par changer notre perception même de la musique. Beethoven
n'utilise d'ailleurs pas le mot Variationen, en usage à
l'époque, mais Veränderungen, qui signifie aussi bien,
je crois, " transformations " que " variations
"...
F.S : La tonalité d'Ut majeur, dans
les deux cas, semble aussi une " table rase " qui autorise
tout, comme s'il s'agissait d'accomplir un geste radical, une
refondation...
L.C : Oui, c'est un monde de contrastes, une sorte de noir et
blanc originel qui fonctionne comme un axiome, ne bride pas l'imagination
et autorise ensuite toutes les audaces. À vrai dire, la
tonalité d'Ut majeur, avec son côté très
" direct ", a toujours exercé sur moi un magnétisme
particulier, que je ne saurais vraiment expliquer... Dans la
Wanderer, Schubert se livre cependant à un jeu modulant
extrêmement libre, et la fin de l'Adagio, avec ses sombres
trémolos, laisse entrevoir d'incroyables abîmes harmoniques... Beethoven, lui, exploite cette tonalité jusqu'à
sa dissolution dans le son pur, mais façonne tout de même
une longue période mineure, autour des variations 29, 30
et 31, qui coïncide avec un climat plus introspectif... D'une manière générale, il me semble que
la force qui se dégage des Diabelli provient du fait que
Beethoven y explore tous les champs d'expression possibles de
l'âme humaine, convertis en polarités musicales :
il y a le pôle de l'abrupt et de la stridence, dans les
variations 27 et 28 par exemple ; le pôle de l'équivoque
et du mystère, comme dans la variation 20 ; le pôle
contrapuntique, dominé par la tripe fugue de la variation
32 ; et même, souvent, celui de l'humour...
F.S : Justement, pourrait-on parler, pour
cette oeuvre hors normes, d'une forme d'ironie particulière,
d'un sourire intellectuel ?
L.C : Sans aucun doute, il suffit de voir la manière dont
Beethoven marque instantanément son territoire : dès
la première variation, la valse disparaît au profit
d'une solide marche à quatre temps ! Cette jouissance spécifique
indique le chemin, et incite à renchérir sur le
jeu compositionnel : j'ai ainsi essayé de regrouper certaines
variations, de créer des espaces, des ruptures, d'exploiter
les phénomènes d'opposition et d'attirance... Si chaque variation vaut intrinsèquement et mérite
d'être caractérisée avec soin, elle ne prend
son sens que dans son rapport à l'ensemble.
F.S : Ce type de recherche, capable d'électriser
une oeuvre comme les Diabelli, est-il transposable à
la Wanderer Fantasie ?
L.C : Sans doute pas de manière symétrique, mais
la Wanderer n'en est pas moins un organisme fascinant, dont il
faut respecter les multiples facettes. Je regrette que cette oeuvre
soit parfois décriée : il est vrai que Schubert
a voulu y affronter le démon de l'époque, la virtuosité,
mais il l'a fait avec sa poésie habituelle, une audace
peut-être plus instinctive que concertée, captivante
pour un pianiste. Son incroyable vocalité est bien présente.
Schubert, pour moi, n'est pas moins important que Beethoven, et
pour marquer le lien entre les deux, j'ai choisi de faire figurer
à la fin de cet enregistrement, en guise de réminiscence,
sa petite contribution à l'album de Diabelli : c'est une
courte pièce en Ut mineur, d'une grâce et d'une mélancolie
toutes schubertiennes. Il y est parfaitement lui-même, mais
entre ainsi, symboliquement, dans la sphère beethovénienne.
C'est ce lien poétique au sens le plus élevé,
ce lien de musique et d'esprit, que j'ai tenté de capturer
dans ce disque
Pour écouter
des extraits de ce disque
Beethoven Schubert
Laurent Cabasso, piano
avec l'aimable autorisation
du label Naïve
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