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Mozart Concertos Hélène Grimaud Piano
Mozart
(1756-1791)
Concerto pour piano N°19 en fa majeur K459
"Ch'io mi scordi di te ?"
"Non temer, amato bene" K.505
Tiré d'une adaptation de l'opéra Idomeneo
Concerto pour piano N°23 en la majeur K488
Hélène Grimaud, piano
Mojca Erdmann, soprano
Kammerorchester des Bayerischen Rundfunks
Radoslaw Szulc , violon solo
Si ce disque est effectivement le premier disque
que la pianiste Hélène
Grimaud consacre entièrement à Mozart ce n'est
nullement, contrairement à ce qu'il est actuellement indiqué
sur le site amazon, son premier enregistrement Live puisqu'il
existe plusieurs DVD pris en concerts de la pianiste... mais il
est vrai que l'on écrit tout et son contraire au sujet
de la pianiste très médiatisée.
Hélène Grimaud a choisi le concerto n°19, parfois
appelé "premier concerto du couronnement"
car joué pour la première fois lors du couronnement
de Leopold II mais aussi surnommé " concerto militaire"
parce qu'il rappelle parfois un défilé de cavalerie...
en fait on pourrait aussi presque par ce qualificatif imaginer
Mozart enfant jouant aux soldats de plomb dans ses mouvements
rapides à la vivacité et légèreté
de l'insouciance de cet âge, mais reste à savoir
si cette insouciance apparente est véritable ou non et
le second mouvement même s'il n'est pas un adagio mais un
allegretto où le piano semble cependant chanter une aria
plaintive et exprime une grande mélancolie très
émouvante. Pour la pianiste : "Le deuxième
mouvement est si désarmant dans sa simplicité, mais
il a quelques moments qui sont tout bonnement saisissants ; par
exemple, quand il passe en mode mineur, c'est absolument stupéfiant."...
oui un mouvement troublant comme l'est ausi un enfant qui tente
de cacher ses larmes dans une allégresse feinte ici par
le rythme un peu plus enjoué qu'habituellement mais qui
ne trompe pas vraiment par le chant qui s'avère au final
d'une tristesse inouïe.
Dans le concerto n°23, également au programme de ce
disque, Mozart donne plus ouvertement libre cours à ses
doutes et interrogations personnels et Hélène Grimaud
estime quant à elle que "son adagio est l'une des
inspirations les plus magiques de Mozart, sans doute le mouvement
le plus sublime qu'il ait jamais écrit"... Il
semble pourtant bien difficile en fait de dire quel est le mouvement
le plus sublime écrit par Mozart car comme le souligne
Hélène Grimaud dans un entretien avec Oswald Beaujean
"L'éventail des émotions humaines est absolument
immense" et la sensibilité de chacun face à
ses émotions reste très personnelle, mais il est
une quasi évidence par contre que ce sont les mouvements
lents de ses concertos pour piano de Mozart qui toujours créent
la magie. Dans celui de ce concerto n°23 Hélène
Grimaud trouve qu' "Il y a de la douleur, mais une douleur
qui est encore plus poignante dans le souvenir. C'est presque
comme la douleur de l'absence, et elle laisse une marque indélébile."...
Vous pourrez en juger dans la troisième vidéo plus
bas dans cette page.
Une autre vidéo, dont le montage n'est pas tout à
fait au point( quelques images d'Hélène Grimaud
sans le son) , vous permettra également de découvrir
l'oeuvre que la pianiste tient cette fois pour l'un des plus beaux
airs que Mozart ait écrit, c'est aussi l'un des rares où
le piano est présent, ici dans la version de concert tirée
d'une adaptation de l'opéra Idoménée, où
le piano qui chante aussi tient d'ailleurs une part tout aussi
importante que la soprano, un air qui ne demande certes pas à
cette dernière de monter au sommet de l'aigu atteint dans
l'air plus connu la "reine de la nuit" de "la
flûte enchantée" mais Mojca Erdmann qui
a déjà enregistré un disque titré
"Mostly Mozart'' fait preuve d'une tessiture et timbre
de voix tout à fait remarquables dans ce court extrait
où explique encore la pianiste "On peut imaginer
toutes sortes de choses : on peut imaginer que le piano est l'homme,
et la voix, la femme - ou l'inverse. À la fin, l'amour
triomphe néanmoins, même au milieu de cette résignation.
Et même dans cette perspective d'un cur brisé,
l'amour est encore plus fort - c'est donc un beau message par-dessus
tout."
Hélène Grimaud quant à elle est ici dans
des conditions idéales pour jouer et partager ces oeuvres
qu'elle aime puisque la pianiste dirige elle-même, depuis
son piano donc , lOrchestre de Chambre de la Radio Bavaroise,
avec lequel elle avait enregistré son splendide album Bach,
avec de tels ingrédients, une telle passion et une telle
liberté qui se ressentent dans son jeu exprimant les multiples
émotions avec éloquence , elle ne peut que contribuer
efficacement à faire toujours aimer Wolfgang Amadeus. Mozart
que bien sûr l'on n'oublie pas ; et cela même malgré
le bicentenaire de naissance de Liszt qui lui a certes un peu
pris la vedette ses derniers mois. Outre ce disque durant le mois
de novembre 2011 Hélène Grimaud donne nombreux concerts
à Paris mais réservez vite, s'il reste des places,
car là encore contrairement à ce que l'on peut parfois
lire, elle ne sera pas tout le mois complet à Paris puique
la pianiste ira aussi jouer en Suisse à Lucerne, en Angleterre
à Oxford et aux USA à Santa Barbara au cours de
ce mois.
"
L'éventail des émotions humaines est absolument
immense "
Hélène Grimaud s'entretient avec Oswald Beaujean
( avec l'aimable autorisation de Deutsche Grammophon)
Hélène Grimaud,
beaucoup disent toujours que jouer Mozart est la chose la plus
difficile qui soit. Est-ce vrai, ou est-ce une espèce de
mythe ?
C'est l'un des compositeurs les plus difficiles, cela ne fait
aucun doute. La difficulté avec Mozart consiste à
trouver la simplicité, ou, devrais-je dire, à la
retrouver, parce que nous le jouons tous beaucoup dans notre enfance,
notre adolescence, et il semble alors avoir ce caractère
naturel, évident. Par la suite, il est beaucoup plus difficile
de retrouver cette pureté d'expression. Pour moi, ce qui
définit Mozart, c'est cette grâce, cette absence
de gravité. On a la profondeur, mais sans aucune espèce
de poids. C'est vraiment ce qui le distingue de beaucoup d'autres.
En fait, c'est un grand exercice bouddhique.
Qu'entendez-vous par là ?
Ce don naturel que nous perdons à l'âge adulte, qu'ont
tous les enfants et les animaux : vivre dans l'instant, et ne
pas attribuer de significations secondaires aux choses. Se débarrasser
de tout ce qui n'est pas essentiel et essayer de retrouver l'essence
des sentiments humains avec Mozart - sans jamais aucune trace
de sentimentalité dans sa musique.
Vivre dans l'instant - voulez-vous dire
que c'est ainsi qu'il faut jouer Mozart, ou que c'est ce que sa
musique exprime ?
Les deux. Sa musique exprime tant de choses, l'éventail
des émotions humaines est absolument immense dans Mozart.
Quand nous avons parlé en mai, avant le concert, je me
souviens d'une chose que vous avez dite sur Mozart et les masques.
Le deuxième mouvement du Concerto en la majeur - sans doute
le mouvement pour piano et orchestre le plus sublime qu'il ait
jamais écrit - est l'endroit où se trouve pour moi
le vrai Mozart. Cela vient du cur. Même si cet Adagio
était tout ce que nous avions, cela suffirait. D'un autre
côté, l'expression enthousiaste, heureuse, dans certains
des mouvements vifs est pour moi parfois plutôt l'un de
ses masques. J'ai souvent l'impression que cette expression optimiste
effervescente, censément joyeuse, est aux confins de l'hystérie,
qu'il y a là quelque chose d'un peu instable. C'est juste
un sentiment que j'ai depuis longtemps.
Vous n'avez pas joué le Concerto
en la majeur pendant quatorze ans. Pourquoi préférez-vous
le jouer avec un orchestre de chambre aujourd'hui ?
Il y a quelques années, j'ai joué le concerto avec
l'Orchestre symphonique de la Radio bavaroise. Puis j'y suis retourné
avec un répertoire différent, et j'ai joué
ensuite de la musique de chambre avec des membres de l'orchestre
et commencé à travailler avec l'Orchestre de chambre
de l'Orchestre symphonique de la Radio bavaroise à divers
projets. Cela confirmait de nouveau ce qui était déjà
là quand nous faisions de la musique ensemble, ce sentiment
de liberté partagée. Ce que je trouve de si merveilleux
en eux est qu'ils ont cette attitude incroyablement sérieuse
à l'égard de la musique et de la manière
de lui donner vie. Outre qu'il s'agit d'instrumentistes et de
musiciens de premier rang, ils ont quelque chose d'encore plus
rare. Quelque chose qui brûle de l'intérieur. Cela
me rappelle toujours ce que disait Edwin Fischer lors d'un de
ses célèbres cours d'interprétation : "
Vous êtes tous de grands pianistes, vous avez
une merveilleuse technique. Mais, pour devenir des artistes, il
vous faut ouvrir les stores de votre cur. Il vous faut vibrer
entre les notes. " C'est si merveilleux, c'est vraiment
ce qui fait la différence. Et le plus beau dans l'histoire
de cet enregistrement est qu'il n'était pas prévu.
Ces concerts ont eu lieu, et c'est ce qui a donné naissance
à cet enregistrement. C'est tellement mieux et plus organique
quand cela se fait dans cet ordre plutôt que l'inverse.
Jouez-vous différemment sans chef
?
On joue davantage dans un esprit de musique de chambre. Le fait
qu'il n'y ait personne debout devant l'orchestre avec une baguette
est également ce qui oblige à cette intimité
de musique de chambre. C'est ce que j'entends par liberté
partagée. Il faut trouver son chemin ensemble, il faut
respirer ensemble. Ce n'est pas quelque chose créé
artificiellement sous la férule d'un chef non instrumentiste.
C'est quelque chose qui doit se passer à un niveau plus
profond.
Est-ce plus risqué, et est-ce une
des raisons pour lesquelles vous aimez cela ?
(Rires.) Oui, c'est certainement plus risqué. Dans le même
temps, quand on a cette sorte de confiance l'un dans l'autre,
c'est également une belle aventure. Parce que c'est une
expérience qui aboutit à ce que les êtres
humains ont de mieux à offrir l'un à l'autre : la
présence de l'un rend l'autre meilleur.
Alfred Einstein a écrit à
propos du Concerto K. 459 que le premier mouvement serait une
" marche idéale ". Comprenez-vous ce qu'il
voulait dire ?
Oui, je crois. Une chose qui me déplairait dans une marche
serait la connotation militaire ; mais ici, c'est quelque chose
qui est si vital, qui a tant d'élan, et aussi beaucoup
d'humour. Quelque chose qui vous prend par la main et ne vous
lâche pas, quelque chose qui vous fait vous tenir droit.
C'est difficile à exprimer à l'aide de mots. Par
exemple, dans ce passage de l'exposition où l'orchestre
a le thème et le piano l'accompagnement : chaque fois,
j'ai l'impression, comme dans le yoga, que quelqu'un me tire vers
le haut par le sommet du crâne. Le deuxième mouvement
est si désarmant dans sa simplicité, mais il a quelques
moments qui sont tout bonnement saisissants ; par exemple, quand
il passe en mode mineur, c'est absolument stupéfiant. Le
finale est virtuose, si vivant, et il y a cette effervescence.
Mais il y a des moments d'énergie folle qui sont presque
une fuite dans une transe ; ce n'est pas seulement de la joie,
et ce n'est pas seulement du bonheur.
L'Adagio du Concerto en la majeur K. 488
est le seul mouvement de Mozart en fa dièse mineur. Est-ce
également un indice sur la signification de ce mouvement
?
C'est possible. Cela dépend de ce à quoi on associe
cette tonalité, partant du principe que chaque tonalité
à son identité émotionnelle. Fa dièse
mineur est inhabituel à tous les niveaux, et pas seulement
pour Mozart. Cela me fait toujours penser à la première
sonate de Schumann - également une rareté en soi.
Il est difficile de trouver des mots pour définir cette
tonalité, mais elle a à voir avec la nostalgie.
Il y a de la douleur, mais une douleur qui est encore plus poignante
dans le souvenir. C'est presque comme la douleur de l'absence,
et elle laisse une marque indélébile.
Vous le jouez très lentement.
C'est un adagio, finalement.
Mais, malgré tout, vous le jouez
encore plus lentement que la plupart des autres pianistes.
Bien sûr, on pourrait également y voir un rythme
de sicilienne. Prenez une chaconne, une danse lente à trois
temps : il n'y a pas de limites à la lenteur. Quelque chose
de lent ne signifie pas que la pulsation cesse. Il est bien sûr
beaucoup plus difficile de maintenir la pulsation quand c'est
lent. Il se trouve qu'il était ainsi lors de ce concert,
dans cette acoustique. Le retour du son est ce qui détermine
le moment où l'on joue la note suivante ; les tempi sont
toujours liés au lieu. Cela dit, un mouvement comme celui-ci
n'est pas composé par hasard. Philosophiquement parlant,
si l'on ne va pas à la limite de ce mouvement, quand le
fera-t-on ?
Un tel mouvement incite-t-il les gens
à parler de musique céleste s'agissant de Mozart
?
Mozart était possédé. Cette idée que
la musique vient d'un autre monde, d'en haut, et que c'est la
musique d'un ange, n'est tout simplement pas juste. C'est vraiment
la musique d'un homme. Si on lit ses lettres, il n'y a pas à
chercher bien loin pour comprendre Mozart. Cet élément
de passion qui donne un sens à notre existence est toujours
là en lui.
Dans le Concerto en la majeur, vous jouez
une cadence quelque peu inhabituelle.
Elle est de Ferruccio Busoni. Je l'ai découverte dans l'enregistrement
de Vladimir Horowitz, Carlo Maria Giulini et l'Orchestre de La
Scala. Depuis ce jour, j'ai su que quand je jouerais ce concerto,
ce serait avec cette cadence.
Pourquoi ?
Parce que je pense qu'elle est brillante, fascinante, originale
et touchante. Elle élabore le matériau avec une
merveilleuse imagination - c'est ce qu'une cadence devrait être.
Si l'on voulait être historiquement dans la tradition de
ce qui était censé se faire à l'époque
où vivait Mozart, on ne jouerait les cadences de personne
: on jouerait les siennes. Mais je joue celle de Busoni (rires).
Comment avez-vous eu l'idée de
combiner ces deux concertos avec cet air très spécial,
K. 505 ?
C'est aussi une pièce dont je suis tombée amoureuse
très tôt dans la vie. Quand il s'est agi de faire
un enregistrement de concertos, au lieu de faire comme d'habitude,
trois concertos de Mozart, je voulais qu'il y ait cet air. C'est
un joyau, une pièce merveilleuse. La partie de soprano
est tout simplement fantastique, et la relation entre la soprano,
l'orchestre et le piano est de toute beauté. C'est de l'or
liquide, les interventions du piano allant de quelque chose comme
de la soie à quelque chose comme de la dentelle. Et, de
nouveau, il y a cette merveilleuse légèreté.
Quand on écoute cet air, on pourrait
imaginer que c'est une espèce de déclaration d'amour.
Une déclaration d'amour en sons plutôt qu'en mots.
Bien sûr, il y a le texte, qui donne une idée assez
claire de ce qui se passe, mais pour moi c'est toujours secondaire.
La musique doit éclairer sa propre structure et son contenu
émotionnel. Si l'on s'en tient à un scénario
et à un texte, c'est réducteur pour la musique.
On peut imaginer toutes sortes de choses : on peut imaginer que
le piano est l'homme, et la voix, la femme - ou l'inverse. À
la fin, l'amour triomphe néanmoins, même au milieu
de cette résignation. Et même dans cette perspective
d'un cur brisé, l'amour est encore plus fort - c'est
donc un beau message par-dessus tout.
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