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Odyssey Frédéric D'ORIA-NICOLAS piano
Odyssey
Frédéric D'Oria-Nicolas, piano
Beethoven
Sonate « Waldstein » n°21 Op. 53 Liszt
Vallée d'Obermann Wagner/Liszt
Ouverture « Tannhaüser » Bach/Busoni
Adagio BWV 564
Dans son nouvel album "Odyssey" le pianiste
Frédéric
D'Oria-Nicolas invite les auditeurs à un voyage fantastique
qui aborde tous les grands thèmes du romantisme -
la nature, la lumière, la mort, l'amour, le rêve
- et est construit autour de Liszt et deux de ces principaux inspirateurs
: Beethoven et Wagner. Dans cet objectif, le pianiste a mis en
oeuvre de grands moyens afin que ce voyage se déroule dans
les meilleurs conditions :
- un programme longuement réfléchi débutant
par une "Aurore" c'est en effet le second titre
donné à la sonate n°21 de Beethoven, dite aussi
" Waldstein" du nom de son dédicataire,
dont le splendide rondo qui laisse imaginer un éveil progressif
est peut-être à l'origine du second titre de cette
sonate qui elle-même débute cependant par un premier
mouvement allegro dont les premiers accords répétitifs
demanderaient plutôt à se réveiller illico
presto, peut-être pour faire ses valises et partir en voyage...
Et son programme se terminant en douceur avec l'adagio de Bach
BWV 564 revu par Busoni. Entre temps il nous transporte dans la
"Vallée d'Obermann", par la plus vaste pièce(près
de 15 minutes) du premier recueil "Suisse" des
années de pèlerinage écrites par Liszt ,
issue en fait d'un recueil qu'il avait titré des années
auparavant "l'album d'un voyageur" et préfacée
d'une phrase de Senancourt : "Que veux-je, qui suis-je,
que demander à la nature ?"..vaste questionnement
de caractère effectivement romantique. Elle est suivi d'une
transcription par Liszt d'un opéra de Wagner également
très romantique dont l'action se situe près d'Eisenach
au début du treizième siècle.
- un travail de longue haleine pour optimiser
l'utilisation des pédales du "véhicule"
qui permettra ce voyage : le piano moderne et avec lequel il parvient
à nous offrir les paysages idéalement colorés
et contrastés grâce à un dosage étudié
des sons forte et pianissimo. Il se réfère même
si possible aux manuscrits des compositeurs pour mieux en connaître
les intentions , ce qui lui permet aussi un voyage dans le temps
puisque Frédéric d'Oria-Nicolas à lui-même
du parcourir le chemin inverse de Beethoven sur un piano moderne
pour équilibrer différemment les plans sonores,
adapter la façon de timbrer et attaquer le clavier en fonction
de cette volonté.
- Enfin Frédéric D'Oria Nicolas a inséré
dans cet album qui est en fait un double album : un CD "Fidelyty
mastering" destinés aux systèmes
audio-haute fidélité et un CD "Mobility
Mastering" qui est une version adaptée aux
écoutes sur baladeur, ordinateur et en voiture... innovation
de son label Fondamenta qui permet pour le premier CD d'offrir
un rendu sonore de très haute qualité et pour le
second précisément de l'emporter en voyage (adapté
au baladeur, ordinateur et autoradio) sans être gêné
par un éventuel environnement bruyant ce qui peut être
fort utile par exemple si l'auditeur ne sait pas ou n'a pas envie
de modérer sa propre utilisation des pédales d'accélération
;-)). ... il est vrai que celle-ci dépendra du véhicule
que celui-ci aura à disposition, et à lire le préambule
du livret écrit par Frédéric d'Oria-Nicolas
on peut penser que Beethoven quant à lui n'hésita
pas à utiliser immodérément les pédales
du nouvel instrument qu'il avait reçu en cadeau d'Erard
quelques semaines avant d'écrire la sonate "Waldstein"
et en testa même toutes les nouvelles possibilités
sonores qui s'offraient à lui : "En parcourant
les manuscrits de cette sonate, on est frappé par l'audace,
le génie et l'extrême précision avec
lesquels Beethoven fait usage de la pédale forte dans son
finale" .
Frédéric D'Oria-Nicolas aussi généreux
en explications qu'en moyens mis en oeuvre pour faire partager
au public ce voyage musical, qu'on devine réalisé
avec une immense passion, a bien voulu répondre longuement
à nombreuses questions autour de cet album dans lequel
il offre un enregistrement fantastique tant par son programme
que par l'étendue sonore qu'il permet à nos oreilles
de découvrir. Vous pourrez d'ailleurs écouter (certes
en fichier compressé mp3, le même extrait sonore
: rondo de la sonate n°21 dans la version "fidelity
mastering" puis "mobility mastering"
et vous pourrez déjà juger déjà de
la différence des niveaux sonores rendus par ces deux versions
malgré la compression mais bien évidement les disques
sont conseillés et pourquoi s'en priver puisque les deux
sont proposés au prix d'un seul grâce au soutien
dans cette aventure de deux représentants français
de la Haute-Fidélité internationale.
Le
point de départ de votre disque est la sonate Waldstein
de Beethoven. Pourquoi aimez-vous particulièrement cette
sonate et plus généralement aimez-vous toutes les
sonates de Beethoven ?
Il m'est difficile d'y répondre car les mots
me manquent pour décrire tout l'amour et l'admiration
que j'éprouve à l'égard de Beethoven
et de son oeuvre. Je pourrais vous dire pourquoi j'aime
chacune de ses mesures mais plus globalement je dirais qu'il
relève du miracle ! Ce que nous a légué
Beethoven est le fruit d'une alchimie prodigieuse entre un
destin, un tempérament, une volonté, un intellect
et une sensibilité uniques !
Son écriture est à la fois savante et novatrice
tout en étant d'une pureté d'une densité
sans égales mais toujours d'une profonde humanité.
Pour sûr, Beethoven se projette et introduit le vécu
dans son oeuvre - ce qui en fait le premier des romantiques !
Comment ne pas ressentir la puissance de la nature dans sa 6ème
symphonie ou dans sa Waldstein ? Comment ne pas s'interroger
et douter avec lui dans sa méditation du second mouvement
de cette même sonate ou dans l'Appassionata ?
Comment ne pas aimer, se réjouir, contempler, se révolter,
se résigner ou s'élever à l'écoute
de ses Symphonies, de ses Quatuors, de ses Trios et ses Sonates
pour piano ?
Beethoven m'est toujours apparu comme étant le plus
universel de tous les compositeurs. Il est un pas sur la Lune,
il est le E = mc2 (de l'infiniment savant à l'infiniment
simple), il est le MacGyver de l'histoire de la musique -
si ce dernier était capable de faire d'un trombone
et d'un vernis à ongle, une bombe à hydrogène,
Beethoven élabore lui, à partir d'un thème
anodin de Diabelli, les célèbres variations qu'on
lui connaît ! Les sonates pour piano illustrent à
elles seules son phénoménal parcours et tout son
héritage. Chacune d'elles est une vie.
La pédalisation de cette sonate
vous a particulièrement tenue à coeur expliquez
vous en préambule au disque, pouvez-vous en dire plus sur
les indications que Beethoven a laissées à ce sujet
et en donner par exemple une qui vous a demandé un travail
particulier ou des interrogations ? Qu'en est-il pour les
oeuvres de Liszt, la problématique est-elle identique
ou différente, de même Bach/Busoni qui doit s'approcher
de l'orgue ...
On ne pédalise pas Bach, Mozart ou Beethoven comme on
pédalise Chopin, Schumann, Scriabine, Ravel ou Debussy.
La culture du style et la connaissance de l'histoire de la
musique sont des prismes à travers lesquels nous devons
regarder les indications des compositeurs. Mélanger les
modes ou les tonalités dans une même pédale
peut paraître anodin après Ravel, Debussy ou même
Grieg !
Je crois savoir que la première oeuvre dans laquelle
une indication de pédale forte est écrite est la
sonate « Tempête » [n°17]
de Beethoven, et déjà en l'étudiant
je m'interrogeais sur l'indication de Beethoven qui
tire son récitatif à la fin du premier mouvement
d'une seule et même pédale ! Certains diraient
qu'il ne faut pas prendre en compte ses indications parce
que Beethoven écrivait pour des instruments différents
de ceux d'aujourd'hui ou qu'il était sourd.
Je suis convaincu qu'il faut suivre ces indications :
outre la pédalisation, Beethoven n'aurait pas écrit
de manière si visionnaire et novatrice s'il avait
composé pour son époque (la Grande Fugue est un
exemple parmi d'autres mais particulièrement probant) ;
il n'aurait pas écrit de manière si épaisse
s'il l'avait fait pour les instruments de l'époque
- qui devaient mal supporter pareille écriture ;
si sa surdité avait été un obstacle, comment
peut-on lui prêter alors pareil génie harmonique ?
Enfin, après avoir pu consulter les manuscrits (voir photos
jointes ici
et ici ), l'extrême
précision avec laquelle il indique les pédales ne
laisse aucun doute sur sa volonté d'exécution.
Il m'arrive de m'interroger sur la pédalisation
devant d'autres textes, mais elles sont moins problématiques
puisque l'on expérimente et que l'on choisit
simplement ce qui sonne le mieux à nos oreilles, toujours
dans le respect du texte, du style et de l'époque.
Il en va de même pour la Vallée d'Obermann ou
le Bach/Busoni.
Ici, cette pédalisation interpelle à première
vue et il faut partir de cette volonté et faire un travail
sur le timbre, le relief apporté à chaque note de
la basse, de l'accompagnement et de la mélodie pour
parvenir à un résultat convaincant. Lorsque l'on
y parvient, la richesse et l'effet obtenus dépassent
ce que l'on pouvait imaginer.
Pour vous les pieds tiennent-ils autant
voire plus d'importance dans l'interprétation
que le toucher des doigts ?
Si je jouais de l'orgue ou même de la harpe, ma réponse
aurait sans doute été toute autre mais au piano
la pédale forte est ce que l'assaisonnement est à
un plat ! Les pieds et les mains au piano sont intrinsèquement
liés et même si les pianistes sont donc « pieds
et mains liés », ils jouissent pourtant d'une
grande liberté dont ils ne font pas toujours usage !
Je ne timbre pas au clavier de la même façon d'une
salle à l'autre, d'un piano à l'autre
tout comme je ne pédalise pas de la même façon
d'une acoustique à l'autre. La pédale
forte modifie la hauteur des étouffoirs par rapport aux
cordes qui vibrent et par conséquent la richesse et le
timbre des sons émis. Et si cela reste évidemment
moins compliqué que la technique digitale, étrangement
plus rares sont les pianistes qui l'utilisent à bon
escient. L'emploi de la pédale forte doit se faire
en écoutant, en expérimentant, avec culture et subtilité.
Par moment son effet peut se révéler presque magique.
Comment vous est venu l'idée
de ce thème : « Odyssey », invitation à
un voyage fantastique ?
On me dit de nature très exigeante et il est vrai que
pour moi, toute action artistique doit avoir un sens et tendre
vers un idéal. Kandinsky écrit dans « Du
spirituel dans l'Art » que « la
forme n'est que l'expression extérieure du contenu
intérieur ». Je garde ce credo en tête
lorsque je conçois mes programmes, tant au disque qu'en
récital. Il faut « emmener » l'auditeur
comme le font les réalisateurs, les romanciers, les compositeurs...
Si vous voulez raconter une histoire, vous devez l'agencer.
Lorsque vous enregistrez, il faut fixer votre point de départ,
votre destination et dessiner le chemin qui les joint... Ce
voyage depuis la Waldstein jusqu'à l'Ouverture
de Tannhaüser traverse tous les grands thèmes du romantisme
- la nature, la lumière, la mort, l'amour, le
rêve - « Odyssey » est
un titre qui me semblait évoquer cette épopée
fantastique que je propose de vivre.
Comment avez-vous sélectionné
les trois autres oeuvres, la présence de Liszt en l'année
de son bicentenaire vous semblait-elle indispensable afin de lui
rendre un « hommage » ?
Je dois avouer assez mal ressentir les années « anniversaires »
de compositeurs : nous n'entendons plus qu'eux,
plus ou moins bien interprétés. D'habitude,
cette excès me contraint à m'éloigner
de celui que l'on célèbre - le temps d'oublier
ce que j'ai pu entendre et revenir avec la fraîcheur
nécessaire vers son oeuvre. Mais heureusement, j'ai
enregistré ce programme à l'Arsenal de Metz,
il y a un an maintenant, bien avant ce bicentenaire !
C e n'est pas tant Liszt, le compositeur qui me fascine mais
le pianiste, l'incroyable destin de l'homme, son intelligence
et surtout son extraordinaire polyvalence. Liszt avait tout compris
de son époque, s'est nourri de tout ce qui l'entourait
et de ce qui l'avait précédé : le texte
de préface à ses transcriptions des Symphonies de
Beethoven en est un des témoignages. Certaines oeuvres
comme Nuages Gris ou la Bagatelle sans tonalité sont même
des prédictions de ce qui allait suivre !
Ses transcriptions et paraphrases de Bach, Mozart, Beethoven,
Schumann, Schubert, Verdi, Rossini, Wagner témoignent d'un
génie musical sans commune mesure. La transcription est
au compositeur ce que l'équation est au physicien.
Il y a différentes manières de résoudre les
problématiques, avec plus ou moins de charme, de finesse,
de créativité, de brio et d'efficacité.
Les choix que fait Liszt dans ses transcriptions relèvent
de toutes ces qualités.
La vallée d'Obermann est une des oeuvres les
plus singulières et abouties de Liszt. L'une des plus
épurées aussi. La version la plus donnée
aujourd'hui est celle retravaillée après une
première édition d'une extrême beauté
mais plus courte, moins élaborée et qui n'est
encore qu'une scène de la « Suisse ».
J'ai choisi de graver au disque la seconde édition,
avec les quelques modifications de Vladimir Horowitz: certaines
harmonies sont plus nourries et la cadence finale est amenée
de manière plus dense et plus dramatique.
Après avoir assisté à une production époustouflante
du Tannhaüser au Mariinsky à Saint-Pétersbourg,
j'avais joué une version de l'Ouverture de Tannhaüser
à quatre mains. Je ne connaissais pas cette version de
Liszt car elle est très peu jouée et très
peu enregistrée - et pour cause, elle est d'une
difficulté redoutable ! Il me semblait intéressant
de relever le défi et de la graver au disque.
Vous aviez indiqué dans une précédente
interview aimer particulièrement les compositeurs russes,
pays où vous avez passé nombreuses années
mais en fait vous les avez peu enregistrés... quel est
en fait votre répertoire de prédilection ?
Je n'ai pas réellement de répertoire de prédilection.
J'écoute et déchiffre beaucoup de musique et
éprouve autant de plaisir à jouer Scarlatti, Scriabine
ou Beethoven seul. J'aime profondément la musique
de chambre. L'accompagnement vocal est encore une autre façon
d'aborder l'instrument.
J'ai besoin, en revanche, lorsque je travaille une oeuvre
nouvelle, de me plonger dans un certain univers. Il m'est
alors difficile de m'imprégner intellectuellement
et physiquement de nouvelles oeuvres de Mozart et Prokofiev
simultanément par exemple. C'est différent
lorsqu'il s'agit d'oeuvres qui figurent déjà
à mon répertoire et qui me demandent moins
d'investissement : je sais déjà ce que
je veux entendre et mes doigts se souviennent plus ou moins des
gestes pour y parvenir.
Avez-vous une âme romantique ?
S'il s'agit d'être passionné, rêveur,
curieux, fantaisiste, créatif, conquérant, idéaliste
mais aussi anxieux, distrait, impatient, ce sont alors, pour sûr,
certains des traits de ma personnalité !
Votre programme est construit en triptyque
autour de Liszt et deux de ses inspirateurs expliquez-vous, aussi
pourquoi avez-vous ajouté un quatrième « volet
» avec l'oeuvre de Bach reprise par Busoni ?
« Les plus désespérés sont les
chants les plus beaux et j'en connais d'immortels qui
sont de purs sanglots » écrivait Musset mais
il m'a semblé indispensable de conclure ce voyage
par quelque chose de court, simple, pur... presque lunaire.
Après le gigantesque tourbillon de l'Ouverture de
Tannhaüser qui nous plonge au coeur du dramatisme, je
cherchais, pour achever ce voyage, une pièce plus courte
et contemplative, qui fasse écho au reste du programme
mais qui permette d'écouter autre chose après,
comme un rendez-vous pris avec l'auditeur.
Avez-vous eu l'occasion de jouer
le programme de ce disque intégralement en concert ou l'aurez-vous
bientôt ?
Ce programme tel quel est difficile à jouer en concert pour
deux raisons : il est trop court et la durée respective
des pièces ne permet pas d'élaborer deux parties
distinctes entrecoupées d'un entracte. Par ailleurs,
il est très éprouvant physiquement de jouer le Tannhaüser,
je privilégie donc cette pièce dans le cadre de
programmes courts, sans entracte. J'avais élaboré
deux programmes quelque peu différents lors de ma tournée
de 8 concerts à travers la Chine en mars 2011. Je les avais
agrémentés de différentes transcriptions
de Liszt d'oeuvres de Schubert dont j'ai enregistrées
certaines dans mon précédent disque.
Où
ont été prises les jolies photographies de votre
disque ? Est-ce un lieu que vous aimez particulièrement
?
Je suis très honoré qu'Håkan Strand,
un éminent photographe suédois, ait accepté
que cette photo baptisée « Stepping Stones »
soit la couverture de cet album. Les photos du livret et du dos
du coffret sont, en revanche, le fruit du travail que nous menons
depuis plusieurs années maintenant avec Colin Laurent,
notre réalisateur chez Fondamenta. C'est également
lui qui a réalisé le clip vidéo en HD tourné
entre Metz et la Suisse à l'occasion de la sortie
d'Odyssey.
Une question technique, en fait plusieurs...
: pouvez-vous présenter un peu plus précisément
vos systèmes Fidelity Mastering et Mobility Masteringc...
de quels formats de fichiers s'agit-il pour l'un et
l'autre ? Et aussi pourquoi vous avez fait ces choix de multiplier
les disques car l'on peut faire des mp3 aussi à partir
du Fidelity Mastering ? En quoi le disque mobility est-il
optimisé pour voitures etc. ?
Il ne s'agit absolument pas de MP3 qui sont toujours de
piètre qualité ! Je ne vais pas lasser le lecteur
de termes techniques mais je dirai simplement que tout fichier
de CD audio lisible sur une platine est de fait un 16 bit, 44.1
kHz. Nos deux disques sont donc de la même qualité.
Seuls les rendus sont différents.
L'idée m'est venue lors d'un long trajet
en voiture avec des amis. Nous écoutions de la musique
et je trouvais insupportable d'avoir à modifier sans
cesse le volume du CD. La dynamique - soit la différence
entre le volume sonore du pianissimo et du fortissimo - est
ce qu'il y a de plus difficile à rendre, d'autant
plus lorsqu'il s'agit d'une voix ou de piano. Mais
c'est aussi ce qui contribue, entre autres, au réalisme
d'un enregistrement et ce qui permet à l'auditeur
d'être littéralement happé par la musique !
Il n'était donc pas question de renoncer à
cela !
A l'évidence, beaucoup de gens réalisent des copies
pour leur voiture ou leur baladeur. Le Mobility Mastering
est donc le fruit d'une réflexion menée avec Nicolas
Thelliez, notre ingénieur du son. C'est un Mastering -
une somme de réglages en post-production - qui a pour but
de ressentir la dynamique d'un enregistrement acoustique sans
avoir à modifier le volume dans des environnements difficiles
(bruyants ou sur des systèmes comme le baladeur et l'ordinateur).
Il permet aussi à notre public de disposer dès l'achat
de l'album d'une copie pour leurs déplacements. Le CD a
29 ans mais personne n'y avait pensé auparavant... Le marché
de l'enregistrement est en pleine mutation et toute l'équipe
de Fondamenta est tournée vers l'avenir avec des procédés
de captation et de production innovants. Nous en ferons encore
la démonstration lors de la saison 2011-2012 des « Fondamentales
» à Paris, Metz, et au Luxembourg.
Ne craignez vous pas que cela augmente
trop le prix de votre album ou bien est-ce pour l'éviter
que vous avez inséré des publicités (deux
double pages) dans le livret ?
Nous considérons l'innovation - même
si elle a un coût - comme un investissement et depuis
le lancement de Fondamenta en 2009, nous nous en félicitons !
Nous proposons donc nos prochains albums avec les deux disques
pour le prix d'un.
Deux Masterings équivalent à deux post-productions
et donc deux disques distincts à produire. Si des pages
du livret sont consacrés à Triangle et Devialet
- deux représentants français de la Haute-Fidélité
internationale - c'est d'abord parce qu'en
tant qu'audiophile depuis 15 ans, je n'ai pas entendu
mieux. Il faut écouter une paire de Triangle Cello ou Quatuor
de la gamme Magellan ou le D-Premier de Devialet qui est un système
Hi-Fi intégré sans fil révolutionnaire pour
s'en convaincre. Nous avons une même vision de ce qui
doit être la reproduction sonore et nous avons des projets
en commun à long terme dont je vous parlerai certainement
lors d'un prochain entretien.
Le 29 septembre 2011, jour de la sortie d'Odyssey, je donnerai
d'ailleurs un concert privé dans l'enceinte du
showroom de Devialet, rue Réaumur à Paris, qui est
ouvert en journée au public pour des démonstrations.
Etes-vous un « maniaque »
du son ?... est-ce une des raisons principales qui vous a fait
créer votre propre label et par exemple, cela vous déplaît
-il beaucoup de jouer dans des salles ayant un mauvais rendu sonore
?
J'ai toujours été passionné par tout
ce qui touchait au son. Je prends du plaisir à écouter
de la musique (presque) partout ou écouter des prises de
son du début ou milieu du siècle dernier. Être
réfractaire à quelques craquements reviendrait à
se priver de Rachmaninov, Neveu, Callas, Schnabel, Cortot, Furtwängler,
Novaes, Mravinsky, Fischer, Sofronitsky et bien d'autres
! Celui qui passe à côté de cela ne sait pas
ce qu'il manque ! C'est comme celui qui n'a
jamais visionné un film de Chaplin ou d'Eisenstein
parce qu'en noir et blanc ! En ce sens, je ne suis pas
un maniaque du son. En revanche, lorsque tout est réuni,
y compris la prise de son, et pour peu que l'on jouisse d'un
système correct, on touche à la magie : je
pense aux 4e, 5e et 6e Symphonies de Tchaïkovski par Evgeny
Mravinsky, au Concerto n°1 de Rachmaninov par Byron Janis,
à un Don Giovanni par Nikolaus Harnoncourt avec Thomas
Hampson, Robert Holl et Barbara Bonney chez Teldec...
J'ai choisi de m'entourer et de créer le label
Fondamenta parce que j'avais une idée très
précise de ce que je voulais. A mon retour de Russie, j'avais
été contacté par différentes maisons
de disque mais elles se montraient trop réticentes et peu
réactives. Si j'avais vécu cela, d'autres
l'avaient certainement vécu et l'auraient encore
vécu. Fondamenta est donc avant tout là pour accompagner
et conseiller les artistes dans leurs volontés artistiques.
En tant qu'interprète, j'ai été
très gêné de me produire autrefois dans de
mauvaises conditions acoustiques. La musique est un langage, elle
se parle donc : il est impossible de se faire comprendre
avec un mot sur deux. Ces concerts n'ont aucun intérêt
car le public est aussi gêné que l'interprète.
Et vous même préférez
vous écouter des disques dont le son est optimisé
plutôt que d'aller à des concerts dans des salles
qui n'ont pas toujours de bonnes qualités et avec
un public parfois perturbant par les toux etc. ?
J'aime profondément écouter des disques,
tout d'abord parce que l'on écoute ce que l'on
veut quand on le désire et parce que nous avons la possibilité
d'entendre d'immenses artistes aujourd'hui disparus !
Mais le disque n'est pas une alternative au concert, il n'est
ni même complémentaire : le montage est une avancée
prodigieuse pour un interprète car il permet d'éliminer
les aléas du concert qui par définition est éphémère
et de s'approcher d'un idéal. Mais son abus peut
être dramatique et détruire le geste musical.
Quels sont vos projets et ceux de votre
label ? Et comment vivez-vous la "crise du disque" ?
La saison 2011-2012 sera dense. A court terme, je me produirai
le 24 septembre 2011 au Conservatoire de Nice avec Laurent Naouri
dans un programme Rachmaninov et Ravel, je donnerai ensuite une
série de récitals dans un programme Beethoven, Schubert
et Liszt à Paris chez Devialet le 29 septembre, le 6 octobre
à l'Arsenal de Metz et le 12 octobre à la salle
Adyar à Paris. Je me produirai également dans la
saison « Fondamentales » dont je suis le
directeur artistique et je ferai mes débuts aux Etats-Unis,
à Atlanta.
Au disque, j'enregistrerai avec Alexander Kobrin l'intégrale
des oeuvres pour deux pianos de Rachmaninov à l'Arsenal
de Metz en février 2012. Après notre premier disque
consacré à Grieg et Medtner, j'ai également
un autre projet d'enregistrement avec Svetlin Roussev.
Le Label Fondamenta va également éditer fin octobre
un disque Chopin et un DVD avec les Variations Goldberg et la
Sonate de Liszt par le pianiste Jean Muller qui avait également
enregistré un disque Liszt édité par Fondamenta,
absolument admirable et qui a m'a certainement ramené
à Liszt ! Nous allons également éditer
un disque consacré au compositeur Karol Beffa. Dans nos
projets à court terme figurent une intégrale des
Trios de Brahms par le Trio Talweg, un disque de violoncelle seul
par Yan Levionnois, un projet original du violoniste Lyonel Schmit,
une captation multicaméras en Haute-Définition de
« Rêveries » avec le graphiste sur sable Artur
Kirillov dans la grande salle de l'Arsenal de Metz et des
projets avec Svetlin Roussev, François Salque et Elena
Rozanova.
Grâce aux mélomanes exigeants, nous vivons -
mes amis musiciens, l'équipe de Fondamenta, nos partenaires
et moi-même - la crise du disque avec confiance
et enthousiasme !
Pour écouter
le
rondo de la sonate "Waldstein"
de Beethoven
Frédéric d'Oria-Nicolas
avec l'aimable autorisation
du label Fondamenta
cliquez sur les triangles des lecteurs
ci-dessous
Fidelity mastering