Paul Juon Dancing Rythms Quatre mains PIANO

Paul Juon(1872-1940)
Dancing Rythms
Tanzrhythmen ou Tanzrytmen
Juon Project "The Duet"
Agnès Dubois Chauvet, piano
Igor Kraevsky, piano

Si vous aimez partager le plaisir de jouer ou écouter du piano à deux sur un même piano voici un disque qui vous permettra de découvrir un répertoire pour piano à quatre mains que vous ne connaissez probablement pas et par la même occasion un compositeur à la double nationalité russe et suisse auquel cependant Serge Rachmaninov, camarade d'étude de celui-ci, décema le titre à la fois honorifique et ambigu de .."Brahms russe", alors qu'en fait celui -ci a une double appartenance nationale explique Laurent Klopfenstein, professeur du conservatoire de Lausanne. Ce dernier commente notamment que la place de Paul Juon se révèle singuliere, dans la mesure où il a choisi de rester romantique jusqu'en 1940, précisant "certes toutes ces pièces ne sont pas faites pour aboutir à une salle de concert, mais plutôt dans un salon ou elles apportent dans le quotidien des suggestions, une atmosphère, un souffle de poésie. De toute évidence elles répondent à l'attente d'un public"... peut-être vous donc ; ainsi pourrez vous déjà en juger par les extraits à écouter plus bas dans cette page qui permettent aussi de mesurer l'évolution de son style.

Créé en 2009, au sein de l'ensemble Juon Project destiné à défendre l'œuvre du compositeur russo-suisse Paul Juon, Juon Project, the Duet est formé par la pianiste française Agnès Dubois-Chauvet et le pianiste américano-russe Igor Kraèvsky. Combinant les deux écoles de piano, française et russe, Juon Project " the Duet " interprète un répertoire varié d'œuvres nouvelles ou oubliées et de chefs-d'œuvre des XIXéme et XXe siècles pour cette formation (Danses de Brahms, Moszkowski, Grieg, Juon, répertoire russe de Moussorgski, Stravinsky, Khatchatourian, Arensky, Rachmaninov et Gavrilin, répertoire français de Ravel, Fauré, Dukas, Saint-Saëns et Ropartz). Soucieux du texte musical dans ses moindres détails, il en dégage un sens de la forme et des plans sonores par une approche longuement mûrie ; l'intimité du quatre mains se révèle alors toujours comme un moment d'intensité que sculptent les vibrations de deux pianistes.
C'est dans cet esprit qu'ils ont enregistré en 2010 l'intégrale des Tanzrythmen pour piano à 4 mains de Paul Juon pour le label américain Minstrel et préparent actuellement un second CD d'œuvres inédites de Paul Juon.
En deux années d'existence, le duo a déjà de nombreux concerts à son actif, en France, Suisse et aux Etats-Unis.
Agnès Dubois-Chauvet et Igor Kraèvsky ont bien voulu répondre conjointement à quelques questions pour présenter ce disque :

Comment avez-vous découvert les œuvres du compositeur Paul Juon et pourquoi les avez-vous aimées ?

Igor Kraèvsky : c’est en 2005 que par hasard le violoncelliste de mon trio (Pittsburgh piano Trio) a découvert ce compositeur. Nous cherchions à jouer d’autres triples concertos que Beethoven… Nous avons fait la première américaine du triple concerto de Paul Juon en 2005 puis 1ère en Ukraine et en Russie (Moscou 2007). Une œuvre fantastique qui m’a incité à découvrir le répertoire de ce compositeur : plus de 100 opus, avec une grande proportion pour la musique de chambre et le piano. Toute son œuvre est sur le site officiel de la société Paul Juon. Les partitions étaient parfois difficiles à trouver car plus éditées mais j’ai joué pratiquement tous ses trios, un quatuor et un quintet avec piano, des pièces avec un et deux violons et enregistré tous les lieder avec soprano. J’ai alors découvert les merveilleuses Tanzrhythmen pour piano 4 mains…

Comment expliquez-vous qu’elles soient méconnues ?

Agnès Dubois-Chauvet : Très connu et populaire de son vivant, Paul Juon a été victime des évènements politiques de son temps ! Parti de Moscou, pour enseigner la composition à Berlin, il a été délibérément oublié par les russes après 1917 (même son frère, le célèbre peintre Konstantin Juon, ne le mentionnait jamais de peur de représailles) puis ayant fuit le régime nazi en 1934 pour la Suisse, il a été aussi banni de l’Allemagne où il avait fait toute sa carrière. Il meurt en 1940 en pleine guerre.
Depuis quelques années son œuvre est redécouverte et enregistrée ; le pianiste français François Killian a d’ailleurs beaucoup œuvré pour cela ainsi que le Trio Altenberg et le Niziol Quartett.

Que représentent ses pièces pour 4 mains dans sa production pour piano et plus particulièrement les pièces de votre disque ?

Agnès Dubois-Chauvet et Igor Kraèvsky : Très bon pianiste, Paul Juon a donc beaucoup écrit pour cet instrument et notamment pour piano à 4 mains. Il a tout d’abord joué avec sa sœur qui a fait une carrière de pianiste en Russie, puis avec Leonid Kreutzer qui était professeur à Berlin. Les Tanzrhythmen occupent trois opus de sa production musicale entre 1900 et 1908 : l’opus 14 est encore post romantique dans le style de Brahms (il était d’ailleurs surnommé le Brahms russe par Rachmaninov) mais dès l’opus 24, il prend une nouvelle direction dans le modernisme au travers d’une recherche rythmique qui annonce Stravinsky. Il faut préciser que le mot « Tanzrhythmen » , inventé par Paul Juon doit se traduire par « rythmes dansés »  et non « danses rythmiques ». Il était donc important pour nous d’enregistrer l’intégrale des 17 Tanzrhythmen, et ainsi montrer l’évolution de son langage et de ses recherches. Il a composé aussi beaucoup de suite de pièces pour piano solo aussi bien des pièces pédagogiques que des suites très difficiles pour les concerts mais toujours très poétiques avec des titres évocateurs : « harmonies intimes », « mosaïques », » Psyché », « Satyres et nymphes »…

Avez-vous eu souvent l’occasion de jouer ensemble ?

Agnès Dubois-Chauvet et Igor Kraèvsky : C’est en fait l’intérêt commun pour la musique de Paul Juon et notre attachement à l’école russe de piano qui nous a poussés à former ce Duet et à réaliser tout naturellement l’enregistrement de ce disque. Nous jouons ensemble régulièrement depuis 2009 et notre répertoire comprend beaucoup d’œuvres du répertoire russe mais aussi les œuvres connues du répertoire à 4 mains de Brahms, Dvorak et Moszkowski…

Dans quelles circonstances votre disque a-t-il été enregistré aux USA et est-il prévu sa diffusion en France ?

Igor Kraèvsky : Notre CD a été enregistré pour le Label américain Minstrel en novembre 2010 au Recital Hall of Duquesne University suite à un concert consacré à l’œuvre pour piano à 4 mains de Paul Juon. Il est sorti au printemps 2011 aux USA et est distribué sur internet par amazon

Avez-vous déjà eu l'occasion de jouer ces oeuvres ?

Agnès Dubois-Chauvet : Invités en Suisse en Juillet, nous venons de jouer les Tanzrhythmen dans un programme consacré aux danses pour piano 4 mains. Nous avons également lors de cette tournée de concerts fait la création de la petite suite op.16 de Paul Juon, dans sa version à 4 mains, manuscrit retrouvé à la bibliothèque de Bern et jamais imprimé. Et nous avons rejoué cette pièce en Bretagne lors d’un festival de Musique de chambre que j’organise la dernière semaine d’aout à Saint Domineuc près de Combourg (www.musenbrerom.com) .J’ai en effet la chance d’avoir créé une salle de concert lors de la resta uration de ma maison. Cette salle est un lieu dédié tout particulièrement au piano et a pris le nom de Pianorium !

Quelles difficultés techniques particulières présentent ces pièces et à quoi avez-vous tous deux attaché le plus d’importance dans leur interprétation ?

Agnès Dubois-Chauvet et Igor Kraèvsky : Ces pièces ont toutes les difficultés techniques des œuvres du répertoire pour 4 mains : tierces, octaves, croisements de mains, superpositions rythmiques et des plans sonores, choix des pédales … et demandent beaucoup de précision. Il était important pour nous de faire attention à chaque détail tout en donnant tout de suite une idée générale du caractère différent de chaque pièce.

Jouez-vous toujours à la même position du piano  ?

Agnès Dubois-Chauvet et Igor Kraèvsky : Nous essayons dans un même programme de partager la position prima et seconda. Selon le répertoire, les difficultés techniques et le goût personnel de chacun. Ces changements sont d’ailleurs très appréciés du public.

Avez-vous d’autres projets ?

Agnès Dubois-Chauvet et Igor Kraèvsky : Oui beaucoup de projets d’enregistrements et de concerts en piano à 4 mains mais aussi à 2 pianos. Nous préparons actuellement tout un programme de musique russe (Arensky, Liadov, Moussorgski et Stravinsky…) mais aussi un 2ème disque consacré à Paul Juon. Nous jouerons en Mars en France et en Avril aux US. Une tournée en Russie est actuellement en préparation.

Agnès Dubois-Chauvet, piano
C'est en 1982 que la pianiste Agnès Dubois-Chauvet obtient une médaille d'or à l'unanimité avec félicitations du jury au Conservatoire National de Région d'Angers avant de poursuivre sa formation l'Ecole Normale de Musique de Paris dans la classe de Jacqueline Latarjet. Elle y obtient les plus hautes récompenses en piano, musique de chambre, accompagnement mais aussi analyse et harmonie.
Attirée par l'école russe de piano, elle se perfectionne pendant plusieurs années auprès de Tatiana Nikolaeva et Mikhaïl Voskresensky, professeurs au conservatoire Tchaïkovski de Moscou.
Musicienne très réceptive et curieuse, au croisement de plusieurs cultures et écoles pianistiques, elle sait s'enrichir de nouveaux répertoires et faire partager sa passion pour l'univers musical. Son mode d'interprétation se révèle en contrepoint de son caractère équilibré : précis mais fougueux avec de brusques déchaînements poétiques qui captent particulièrement l'écoute.
Installée en Bretagne depuis 1988, elle y mène une abondante carrière de concertiste au sein de formations très variées ; tantôt avec l'orchestre de Bretagne, tantôt au sein d'une formation de chambre, ou même en récital.
Membre de plusieurs ensembles tels que le quatuor " Un Bruit qui Court" (2 pianos et percussions) et le trio Cézembre, elle est aussi la partenaire régulière de la Mezzo-soprano Sophie Vercoutère.
Agnès Dubois-Chauvet est également membre de l'Académie Paul Le Flem, composée de solistes bretons spécialisés dans la littérature musicale écrite par les compositeurs de cette région (Le Flem, Ropartz, Cras, Ladmirault…).
Elle a joué notamment en soliste avec l'orchestre de Bretagne sous la direction d'Olari Elts, Quotation of dream de Takemitsu lors d'une série de concerts pour les 20 ans de l'Orchestre de Bretagne en juin 2010.
Elle intègre en 2009 l'ensemble Juon Project dont le but est de promouvoir l'œuvre du compositeur Paul Juon, et forme au sein de cet ensemble un Duet avec le pianiste Igor Kraèvsky. Ils viennent d'enregistrer pour le label américain Minstrel l'intégrale des Tanzrhythmen pour piano 4 mains de ce compositeur.
Parallèlement à sa carrière de concertiste, Agnès Dubois-Chauvet, titulaire du Certificat d'aptitude de piano, est actuellement professeur de Piano et musique de chambre au Conservatoire Claude Debussy de Saint-Malo.
Depuis 2010, elle est directrice artistique de " Musique en Bretagne Romantique ", une saison de concerts et un festival en milieu rural, dans un lieu magique dédié principalement au piano.

Igor Kraèvsky (Krajewski) , piano
Né en Ukraine en 1963, Igor Kraèvsky montre dès son plus jeune âge des dons musicaux et pianistiques qui le mènent à 16 ans au Conservatoire Rimsky-Korsakov de Saint Petersburg dans la classe d'Ekaterina Murina où il obtient un "Master's degree of pianoforte art".
Lauréat de nombreux concours en Ukraine et en Russie dont le concours international Prokoviev, Igor Kraevsky part étudier plusieurs années à Duquesne University (piano avec Natasha Snitkovsky et musique de chambre avec David Wehr) de Pittsburgh (Etats-Unis). Il débute alors une carrière jamais interrompue outre atlantique, et obtient en 1995 le diplôme of Arts.
Igor Kraevsky a continué à jouer régulièrement à travers l'Europe de l'Est, la France, l'Allemagne, l'Espagne ainsi qu'aux Etats-Unis et Canada. Il est apparu entre autre comme soliste avec les orchestres de l'Etat de Moscou, Leningrad, Johnstown, Donetsk, Marioupol, l'Académie de Musique de Semur, et Duquesne University, ainsi qu'en récital et en formation de musique de chambre en Biélorussie, Moldavie, Allemagne, Espagne, France (théâtre des Champs-Elysées), Canada, USA (débuts à Carnegie Hall en mars 2005), et lors de tournées de concerts en Ukraine , Russie (Grande Salle du Conservatoire de Moscou et Hall Philharmonique de St. Petersburg).
Son art, combiné avec une sensibilité musicale innée, a fait de lui un musicien de chambre et un accompagnateur des plus recherchés.
M. Kraevsky est le fondateur du Pittsburgh Piano Trio, qui a reçu l'acclamation de la critique pour son talent musical et ses efforts pour introduire en audiences américaines les œuvres des compositeurs méconnus et contemporains (première mondiale d'un trio de piano par Sharafian, et premières américaines de "Hidden Verses" de Janice Hummer, du trio de Nicolas Bacri, des œuvres pour le trio de voix et piano de Ippolitov-Ivanov, de la musique de chambre de C. Armstrong Gibbs, du Concerto pour le violon, le violoncelle et le piano de Paul Juon).
Musicien complet, tant en musique de chambre qu'en soliste, il participe récemment à la découverte du compositeur Paul Juon (1872-1940) en enregistrant ou programmant de nombreuses œuvres pour piano et musique de chambre. Il a fondé l'ensemble " Juon Project " pour promouvoir de l'œuvre de Paul Juon.
Depuis l'an 2000 M. Kraevsky travaille exclusivement avec le label d'enregistrement indépendant "Minstrel" dédié aux enregistrements d'œuvres méconnues et aux nouveaux compositeurs:
- "Dance Rhythms" (Tanzrhythmen) de Paul Juon pour Piano à 4 mains, Agnès Dubois-Chauvet, piano, Juon Project the Duet, Minstrel label, 2010
- "I can't forget Your smile !" musique de Ippolitov-Ivanov, Minstrel label, 2009
- "Russianly Yours…" avec Natalya Kraevsky, Minstrel label, 2008
- "Paul Juon songs" avec Natalya Kraevsky, Minstrel label, 2007, première mondiale
- "Shostakovich et Sviridov", avec Pittsburgh Piano Trio, Minstrel label 2006
- "Encore! Encore!" avec le Pittsburgh Piano Trio, Minstrel label 2004
- "Phantasia" musique de Frank Bridge avec le Pittsburgh Piano Trio, Minstrel label 2003
- "The Three Graces" première mondiale des œuvres de C. Armstrong Gibbs avec Patricia Reibaud, violon et Mikhail Istomin, violoncelle, Minstrel label 2002
- "Watercolours" première mondiale des œuvres d'Alec Rowley avec Patricia Reibaud, violon et Mikhail Lezdkan, violoncelle, Minstrel label 2001
- "Musique Arménienne" avec Patricia Reibaud, violon, Dante label 1997
Actuellement M. Kraevsky habite à New York. Il est Professeur de piano et musique de chambre à faculté de Duquesne University de Pittsburgh.

Paul JUON - Biographie
Paul Juon est né le 8 mars 1872 à Moscou. Son grand-père avait émigré des Grisons (Suisse) en 1830. La maison familiale était hospitalière: la musique, le théâtre et les beaux-arts y jouaient un rôle important. La sœur aînée de Paul Juon devint pianiste et le peintre renommé Konstantin Juon était l'un de ses frères cadets. en 1889, Paul Juon entre au Conservatoire de Moscou. Il se forme d'abord comme violoniste, auprès de Jan Hrimaly, puis étudie la composition avec Sergeï Taneïev et Anton Arensky, ainsi qu'à Berlin auprès de Woldemar Bargiel entre 1894 et 1896. Il y reçoit le prix Mendelssohn de composition. Il passe la plus grande partie de sa vie à Berlin où il enseigne la composition à l'Académie de musique dès 1911. Durant les années 20 du XXe siècle, Paul Juon compte en Allemagne parmi les compositeurs les plus renommés. En 1929, il reçoit le prix Beethoven. En 1934, pour des raisons familiales et politiques, il demande sa retraite anticipée. Le régime nazi refuse de la lui verser. Il rejoint alors une partie de sa famille en Suisse à Vevey où il passe les dernières années de son existence. Il meurt en 1940 victime de l'oubli des Russes après la révolution de 1917 et des Allemands du fait du nazisme  ainsi que de l'Europe en pleine guerre.
Outre des symphonies, des poèmes symphoniques et des suites pour orchestre, le catalogue de Paul Juon, long de près de 100 numéros d'opus, comprend des concertos, dont trois pour violon et un triple concerto pour piano, violon et violoncelle, de nombreuses pièces pour piano solo et à quatre mains, des Lieder, ainsi qu'un groupe, le plus important peut-être, de musique de chambre: six trios avec piano, trois sonates de violon, des quatuors, une symphonie de chambre, un quintette à vent… Du point de vue stylistique, la musique de Juon se situe entre le romantisme et le romantisme tardif, teinté d'emprunts fréquents aux musiques populaires russes et nordiques. Il a les caractéristiques d'un musicien entre deux époques: d'une part, tout ouvert pour la nouvelle musique, mais d'autre part, profondément relié au romantisme de tradition brahmsienne. Il a du reste été surnommé « Le Brahms russe» par Rachmaninov.
Pour en savoir plus sur l'oeuvre de Paul Juon voir ici(fichier pdf) un texte de Laurent Klopfenstein
Professeur au Conservatoire de Lausanne
Source : Jean-Louis Matthey et Thomas Badrutt: Paul Juon, catalogue des oeuvres, Lausanne : Bibliothèque cantonale et universitaire 1997, p. 11-15.

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