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Mozart Piano Concertos 22 et 25 David Fray
MOZART
Piano concertos 22 et 25
David Fray, piano
Philharmonia orchestra
Jaap Van Zweden, direction
Bruno Monsaingeon avait réalisé en 2008 un film sur
l'enregistrement par David Fray des concertos de Bach, dans quelques
jours il sera diffusé sur Arte un nouveau reportage de ce même
réalisateur qui renouvelle l'expérience originale de suivre
des musiciens cette fois lors de l'enregistrement en 2010 des deux concertos
de Mozart de ce disque. Ceux-ci ne sont peut-être pas parmi les
plus réputés du compositeur mais le pianiste les a choisis
parce qu'il les trouve les plus proches de l'univers de l'opéra.
Un univers qu'apprécie David
Fray que l'on sait depuis toujours très attaché à
faire chanter le piano.
On imagine bien qu'avant l'enregistrement il y a aussi un travail
de préparation, et pour ce qui concerne les oeuvres de Mozart
David Fray confie que contrairement à une apparence de simplicité
seule l'expérience permet de résoudre les problèmes
posées par l'interprétation de celles-ci. Certes David
Fray si l'on s'en tient à son âge est encore ce que l'on
désigne comme un "jeune pianiste" mais expérience
et jeunesse ne sont pas synonymes... et chez lui ce qui a depuis toujours
étonné c'est sa maturité, sa capacité à
faire partager les sentiments les plus profonds à travers ses
interprétations. Dans le nouvel entretien ci-dessous l'on mesure
aussi combien il est pourtant très critique envers celles-ci,
une exigence envers lui-même qui certainement contribue à
son talent précoce. Depuis son premier entretien pour pianobleu.com,
en 2004, la part de ses concerts avec orchestre est devenu la plus importante
et malgré son jeune âge il a déjà eu l'occasion
de jouer très souvent avec orchestre... L'expérience et
la culture nécessaire à l'interprétation de ces
concertos lui sont donc acquises pour en offrir aujourd'hui un enregistrement
tout à fait plaisant.
Lorsque Mozart composa le concerto n°22, simultanément
aux Noces de Figaro, il était ce que l'on pourrait aussi désigné
comme un jeune compositeur puisque seulement âgé de 29
ans, et un an de plus lorsqu'il composa le vingt cinquième concerto,
et ces deux concertos cependant ce ne sont pas là des oeuvres
"de jeunesse" du compositeur mais du "dernier Mozart"...
riche d'une longue expérience et dont la musique a évolué
: "sa musique traduit des émotions plus complexes et
trouve dans le contrepoint -considéré désuet à
la mort de Bach - un nouveau moyen au service d'aspirations métaphysiques"
explique David Fray également auteur du livret. En fait Mozart
expérimente encore ... ainsi de nouveaux alliages de timbres
ainsi dans le concerto n°22 l'utilisation de clarinettes en remplacement
des hautbois habituellement utilisés.
Le concerto n°25 quant à lui est le dernier de la longue
série entreprise entre 1782 pendant laquelle Mozart à
composé... le chiffre impressionnant de quatorze concertos en
quatre ans seulement, où il a pu explorer diverses sonorités
,et offrir également diverses émotions. Dans celui-ci
comme dans le n°22, les émotions ne sont pas tranchées
: " le drame ne succède jamais au calme, ni le calme
au drame, l'un se trouve presque toujours en puissance dans l'autre
sans jamais que sa force n'ait à en souffrir"...indique
encore David Fray. Ce concerto est le plus long jamais composé
par Mozart. Lorsque Mozart le joua le 7 mars 1787, il parait que la
salle était complètement vide, la réputation du
compositeur n'étant alors pas au plus haut point. Pourtant ce
concerto par la suite a inspiré nombreux compositeurs ainsi Beethoven,
et l'un des thèmes du premier mouvement est une marche qui évoque
la Marseillaise composée quelques années plus tard.
Dans l'extrait vidéo du film( ci-dessous) on peut voir David
Fray dans une attitude que certains critiquent parfois, y trouvant de
l'exagération, mais comme la Marseillaise que certains reconnaissent
dans le concerto n°25 cette critique est typiquement française.
Ici on le voit la tête presque au niveau de son clavier, dans
une proximité avec son instrument que peu de pianistes ont en
fait et qui contribue sans doute aussi à ce qu'il en sorte une
palette de couleurs particulièrement nuancée... Sa concentration
et son plaisir évident de jouer se ressentent aussi dans l'énergie
dégagée et font aussi qu'il partage avec une telle réussite
le plaisir de la musique qu'il a lui-même, et n'est-ce pas là
l'essentiel... que "son Mozart" nous conduise encore vers
Mozart, et nous permettent de ne pas l'oublier en ces années
de bicentenaire Chopin, Schumann, Liszt... Oui David Fray a aujourd'hui
toutes les qualités pour transmettre la musique de ce compositeur.
Vous vous êtes longtemps méfié
de Mozart « trop simple et trop compliqué »
cependant pour ce nouvel enregistrement vous lavez quand même
choisi, pourquoi ?
Pour tous les interprètes, pas seulement les pianistes - les
chanteurs aussi par exemple - Mozart est une épreuve de vérité,
un compositeur qui ne "pardonne" rien , ni l'absence d'imagination
, ni une faute de goût, ni une technique approximative. Mais paradoxalement,
sa musique est de celles - sinon la seule- qui donnent à l'auditeur
une grande impression de facilité et d'évidence , lorsque
pour l'interprète cette simplicité et cette évidence
sont en fait le fruit d'une longue recherche et d'un travail patient
. Je pense qu'il me fallait un certain recul, une certaine culture que
je n'avais pas adolescent mais que j'ai acquise par mon expérience.
En fait pour moi c'est en travaillant les concertos de Bach j'ai pu
incidemment trouver des solutions pour Mozart.
Vous indiquez dans
le livret quen travaillant des sonates de Mozart au départ
tout semblait clair mais que plus vous la travaillez rien nallait
de soi , tout posait problème avez-vous eu ce même
ressenti pour les concertos , de nombreux doutes, quel cheminement avez-vous
vous même du faire et finalement quest-ce qui vous tient
le plus à cur dans les choix que vous avez faits pour ce
disque ?
Les partitions des oeuvres de Mozart , comme ses manuscrits , semblent
très lisibles , claires, simples pourrait-on dire (il est de
ce fait un des compositeurs que les pianistes débutants abordent
en premier), mais il représente pour le pianiste professionnel
un immense défi. Le parcours le plus fréquemment rencontré
avec Mozart serait celui-ci : une évidence venant entre autre
du fait que l'oeuvre se déchiffre assez aisément , une
grande difficulté ensuite à dépasser ce stade initial
et à perfectionner la réalisation, dans le même
temps il faut chercher les connexions souvent nombreuses avec les autres
types de compositions de Mozart (opéra, messe, symphonie etc)
pour enrichir la sonorité , le phrasé , les couleurs,
enfin il faut retrouver la fraîcheur et l'évidence du premier
déchiffrage , donner l'impression de découvrir l'oeuvre.
Vous avez notamment fait le choix dun
orchestre symphonique plutôt quun orchestre de chambre habituellement
choisi pour ces uvres, pour quelle raison ?
J'ai moi-même régulièrement joué Mozart avec
des orchestres de chambre et c'est une option évidemment valable
. Ces deux concertos eux me semblent , plus que d'autres, requérir
un effectif plus large , le 25ème par exemple fait appel aux
timbales, aux trompettes. Le caractère des oeuvres elles-mêmes,
en particulier les tutti d'orchestre , est majestueux , peu intimiste
, solennel presque, et nécessite à mon sens la magnificence
d'un orchestre élargi. L'aspect chambriste ou de conversation
n'en est pas pour autant absent , bien évidemment et il s'agit
de faire en sorte que cette texture plus riche soit compatible avec
la flexibilité du discours entre les deux parties.
Lorsque Mozart joua pour la première
fois le concerto n°22 il a du bisser landante quen
pensez-vous , le troisième mouvement allegro ne vous semble-t-il
pas plus approprié, et plus beau, si bis il devait y avoir dun
mouvement de ce concerto ?
Oui, moi aussi j'ai été surpris quand j'ai appris cela.
Cela prouve qu'à l'époque les gens étaient au moins
aussi impressionnés par des pièces profondes et assez
tragiques que par des pièces enjouées. Le final a un thème
qui vous entre dans la tête et n'en sort plus. Le mouvement lent
lui, mouvement à variations est en même temps proche du
style de Gluck et a un épilogue qui est un des sommets de l'oeuvre
de Mozart, où l'on a l'impression que les masques tombent et
que Mozart ne se cache plus derrière quelque influence que ce
soit.
Lun
des thèmes du concerto n°25 est une marche qui évoque
la Marseillaise composée plus tard(en 1772) et ce concerto a
également inspiré le concerto pour piano n°5 de Beethoven
ainsi que certains motifs de sa symphonie n°5, comment expliquez-vous
que cette uvre ait eu une telle influence sur dautres compositeurs
?
Je pense qu'il y a un terrain populaire derrière ce thème
que l'on retrouve dans la Marseillaise : il y a un élément
rythmique très particulier dans celui-ci qui se caractérise
par trois notes brèves et une note longue qui a je pense effectivement
influencé des compositeurs. Rythme que l'on retrouve dans le
quatrième concerto de Beethoven et aussi dans sa Cinquième
symphonie dans le célèbre thème dit " thème
du destin" . La structure a aussi inspiré d'autres compositeurs
, ainsi on a l'impression que ce concerto est écrit par bloc,
ce que Beethoven a souvent fait aussi, et dans son quatrième
concerto Beethoven commence son développement de manière
très analogue à Mozart.
Lorsque je vous avais interviewé en 2004
vous aviez indiqué que vous regrettiez à lépoque
de ne pas avoir encore eu loccasion de jouer avec beaucoup dorchestre,
aujourdhui nest-ce pas linverse : jouez-vous plus
souvent avec orchestre que seul ou en musique de chambre et dix ans
plus tard que pensez-vous de toutes ces occasions que vous avez eu de
jouer avec orchestre ?
Oui effectivement cela s'est inversé aujourd'hui, peut-être
parce qu'il y a des pays comme les Etats-Unis où l'on trouve
plus de proposition pour jouer avec des orchestres qu'en récital
ou en musique de chambre. Au niveau de mon emploi du temps aujourd'hui
je pense que je réalise 60% des concerts avec orchestre et 40%
en récital. J'aime la liberté du récital et aussi
sa solitude, le fait que l'on soit "le seul maître à
bord". Grâce aux oeuvres que l'on peut choisir on peut construire
sur une heure et demi une chose qui ait un sens et qui ait une résonance
éventuelle pour les gens, c'est vraiment un voyage . En général
un concerto ce n'est qu'une partie d'un concert. Vous n'avez pas la
même responsabilité, celle d'un récital est intimidante
mais aussi elle m'inspire.
Avez-vous un souvenir
de linterprétation dun concerto qui vous ai particulièrement
enthousiasmé ?
J'ai très souvent un regard critique : et vois plus "le
verre à moitié vide que "celui à moitié
plein" et donc j'ai souvent des regrets par rapport à ce
qui aurait pu se passer, aussi c'est difficile pour moi de citer un
meilleur souvenir de concerto. Mon travail d'artiste c'est de me rapprocher
d'un idéal que je vise. Mais pour répondre à votre
question je garde les meilleurs souvenirs de ceux que j'ai joués
avec de grands chefs : Esa-Pekka Salonen , Riccardo Muti, Kurt Mazur,
Christoph Eschenbach...par exemple, plus que la manière dont
j'ai pu jouer ce sont des collaborations dont j'ai pu m'enrichir. Pour
citer une expérience qui m'a marqué paradoxalement , cela
s'est passé sans chef d'orchestre, au Châtelet lorsque
j'ai du remplacer Hélène Grimaud et jouer les concertos
en ré mineur de Bach et Mozart ( je ne l'avais jamais joué
auparavant, j'étais en train de l'apprendre...), j'ai découvert
le plaisir de jouer avec un orchestre comme si l'on faisait de la musique
de chambre et ce concert là a eu plus de répercussions
que les autres pour moi.
Vous avez enregistré votre disque avec
le Philharmonia Orchestra sous la direction de Jaap Van Zweden en août
2010, comment avezvous vécu cet enregistrement ?
Dans un film de Bruno Monsaingeon qui va être diffusé
le 16 janvier 2011 sur Arte, et la seconde partie sera diffusée
sur France Télévision vous pourrez voir comment cela s'est
passé.... je pense que cela s'est bien passé, j'avais
rencontré le Philharmonia Orchestra quelques mois avant et j'avais
demandé expressement à ma maison de disque de faire l'enregistrement
avec eux et avec Jaap Van Zweden en qui je pense est un grand musicien
et avec lequel j'avais déjà joué à Amsterdam
entre autres. J'avais donc vraiment choisi mes partenaires et j'étais
donc dans les meilleures conditions mais il est vrai que l'expérience
d'un enregistrement avec orchestre est toujours plus compliquée
que seul, il y a plus de raisons de refaire des prises que si l'on est
seul, il peut arriver un petit incident ou une petite imperfection.
Lorsque j'ai enregistré Schubert je l'ai plus vécu comme
un concert intimiste pour moi-même. J'avais enchaîné
les oeuvres deux fois puis le montage avait été fait.
Là il y a plus de raisons de refaire des choses.
Quels sont vos prochains concerts et projets
qui vous tiennent le plus à cur ?
Il y a aura un concert à Paris le 13 février prochain
avec Tugan Sokiev et le Mahler Chamber Orchestra et je vais aller pour
la seconde fois en Chine au mois de mars et jouerai avec un orchestre
chinois, en avril je suis content de revenir à Cleveland.