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Gabriel Pierné Oeuvres pour piano Laurent Wagschal
Gabriel
Pierné(1863-1937)
Oeuvres pour piano
Variations en ut mineur
Etude de concert
Trois pièces formant suite de concert
Passacaille
Laurent Wagschal, piano
Le pianiste Laurent Wagschal ne cesse de mettre son talent au
service d'oeuvres de compositeurs que l'on a peu l'habitude d'entendre
ainsi Gabriel Pierné dont l'on découvre dans ce
nouveau disque qui parait chez le label Timpani une sélection
d'oeuvres pour piano seul.
L'on avait certes pu déjà découvrir les oeuvres
pour violon et piano de ce même compositeur sous l'archet
et les doigts de Gaëtane Prouvost et Laurent Cabasso(voir
ici) mais voici près de quatre ans et depuis quasiment
rien hormis encore chez le label Timpani qui a fait aussi paraitre
une intégrale de la musique de chambre...
Rien à voir avec Chopin qui a la chance d'être largement
joué cette année en France... Et pourtant figure
dans ces oeuvres aussi un très beau "Nocturne en
forme de valse", poétique et rêveur, certes
plus proche de ceux de Fauré que ceux de Chopin. Il est
vrai que la production pour le piano de Gabriel Pierné
n'a pas été aussi vaste que celle de Chopin, moins
d'ailleurs qu'il ne l'aurait souhaité à l'origine
sa carrière de chef d'orchestre et organiste ayant pris
le dessus sur ses projets de composition. Ainsi ce nocturne est
en fait une pièce du recueil 'Trois pièces formant
suite de concert" qui devait à l'origine être
un grand recueil de dix pièces pour piano, ensemble qui
, du propre aveu de Gabriel Pierné, aurait pris l'ampleur
non négligeable d'une centaine de pages de musique mais
de cet ambitieux projet seules subsistent ces trois pièces
: les seules à avoir été éditées
à l'époque. "L'étude symphonique",
très exigeante techniquement, et que vous pourrez écouter
plus bas laisse aussi grandement regretter qu'il ne soit pas aller
au bout de son projet...
Cependant, et fort heureusement, Gabriel Pierné eut un
"choc"en entendant une quinzaine d'année plus
tard "Iberia" d'Isaac Albéniz... Choc
très bénéfique puisqu'il entreprit alors,
précisément le 16 mai 1918, la compositions de ses
"Variations en ut mineur". Une vaste oeuvre de
plus de 25 minutes, bâtie autour d'un thème funèbre
et huit variations, qu'il a achevée en moins d'un mois...
Loin d'être bâclée c'est une très belle
réussite puisque un autre Gabriel ...Fauré, alors
directeur du Conservatoire, l'imposa au concours d'excellence
de la classe de piano... nul doute qu'il faut être une excellent
pianiste pour parvenir jusqu'à l'éblouissante reprise
finale !
Encore un grand pas de treize ans cette fois pour la parution
d'une non moins splendide "Passacaille" écrite
en 1932 qui ravira tous ceux qui aiment la musique de Bach dont
il s'inspire et qu'il magnifie. Si elle ne porte pas cette fois
le titre de variations, elle s'en rapproche même si elle
est aussi parue avec le sous-titre 'Etude de concert"
...Titre déjà donné à une oeuvre parue
dès 1887, une oeuvre certes plus modeste mais exigeant
déjà une excellente vélocité, sans
doute conçue comme bis pour ses apparitions en public alors
qu'il était alors pianiste/compositeur.
En une cinquantaine d'année le compositeur n'a donc finalement
pas beaucoup composé pour l'instrument auquel il se destinait
dans sa jeunesse ayant changé de trajectoire et cette sélection
d'oeuvres dont Laurent Wagschal défend admirablement les
couleurs variées et la modernité bien qu'elles soient
inspirées parfois de ces prédécesseurs le
fait certes regretter mais puissent déjà celles
existantes être plus souvent jouées sans attendre
l'an 2013 !
Laurent Wagschal a bien voulu répondre à quelques
questions :
Gabriel Pierné est décédé
dans le Finistère Nord, or vous venez de créer un
festival précisément dans cette région, avez-vous
programmé ce compositeur pour les récitals de votre
festival "Les Musicales du Chant de la Rive" ?
Je suis effectivement très heureux d'être à
l'origine, avec la pianiste Elise Kermanac'h, de la naissance
de ce nouveau festival dans le Finistère nord : les Musicales
du Chant de la Rive. Cette été auront lieu deux
concerts :- le mercredi 21 juillet à 20h30 au Théâtre
de St-Pol de Léon, avec Elise Kermanac'h et le flûtiste
Florent Py dans un programme de musique française (Saint-Saëns,
Fauré, Debussy, Poulenc, Dutilleux)
- le mardi 27 juillet à 20h30 à l'Eglise de Roscoff,
Elise et moi-même donnerons un récital de piano à
quatre mains avec des oeuvres de compositeurs slaves (Dvorak,
Tchaïkovsky, Moussorgski)
Pas d'oeuvres de Gabriel Pierné au programme de ces deux
concerts mais il est vrai que nous aurions pu donner au moins
pour le premier concert une de ses pièces : la très
belle sonate pour flûte et piano.
Par contre j'aurai l'occasion de présenter mon disque consacré
à Pierné le 28 septembre à la Fnac Montparnasse
de Paris, dans le cadre d'une rencontre animée par Alain
Cochard.
L'"Etude
de concert", dont on connaît peu les circonstances
qui en ont vu la naissance, a peut-être été
composée pour un bis, comme le suggère l'auteur
du livret de votre disque, Cyril Bongers... qu'en pensez-vous
?
L'étude de concert en ut mineur est la seule pièce
qui soit un tant soit peu restée au répertoire des
pianistes. Brillante et démonstrative en même temps
que raffinée et élégante, cette pièce
était encore il y a quelques décénnies très
prisée des pianistes : effectivement elle était
fréquemment donnée en bis ainsi que travaillée
par les jeunes pianistes parvenus à un niveau avancé
et voulant se frotter à des morceaux de virtuosité.
C'est une étude représentative des pièces
écrites avant 1900 qui constituent la plus grande partie
de l'oeuvre pianistique de Pierné, alors que le compositeur
envisagait jusque là une carrière de pianiste concertiste.
Il est rapporté dans le livret
que cest sous le choc de la découverte des possibilités
du piano après avoir entendu "Iberia"
dAlbeniz que Gabriel Pierné composa les Variations
en ut mineur. Pourtant cette uvre qui gagne en intensité
au fil des variations nest pas sans faire penser à
certaines compositions de Liszt où le piano prend des sonorités
orchestrales telles dans ces variations Pensez-vous quil
y ait eu également une influence possible de ce compositeur
sur Pierné sachant dailleurs que Pierné avait
23 ans quand Liszt est décédé ?
Pierné a eu l'occasion de rencontrer Liszt au moins deux
fois, d'abord à la villa Médicis, en 1884; ce dernier
avait joué un Angelus, "une pièce bien embêtante"
selon Pierné... Une autre fois à Budapest, en 1885
pour un de ses cours de virtuosité auquel il avait obtenu
d'assister par l'intermédiaire de Saint-Saens. On ne peut
cependant pas dire que Liszt ait influencé Pierné,
dont le style et l'écriture sont typiques du romantisme
français et s'incrivent dans la lignée de compositeurs
comme Saint-Saëns et Fauré.
Composées en 1918 en à peine un mois, les Variations
en ut mineur sont incontestablement l'oeuvre pianistique la plus
aboutie de Pierné. Malgré l'oubli dans lequel elles
sont tombées, elles figurent selon moi, parmi les plus
belles réussites du répertoire français de
ce début du 20ème siècle. L'oeuvre frappe
par sa grande force dramatique ainsi que son langage harmonique
élaboré et très original. Tout au long de
cette vaste pièce de plus de 25 minutes, le compositeur
maintient l'intérêt et surprend notamment à
chaque nouvelle variation. Lorsque par exemple, vers la moitié
de l'oeuvre, le thème est repris triomphalement triple
forte sur toute l'étendue du clavier de manière
très orchestrale (Pierné n'hésitant pas à
écrire sur quatre portées !), on pense alors parvenir
à la conclusion de la pièce; mais une transition
amène de manière inattendue une nouvelle variation
contemplative, dans le ton bien éloigné de mi majeur.
C'est finalement la variation suivante, écrite dans une
couleur modale très originale, qui après un impressionant
crescendo conduit à la coda triomphale.
Dans la Passacaille écrite près
de quinze ans plus tard, cest par contre un compositeur
bien antérieur : Bach qui la inspiré
Le motif de huit mesures générateur de la Passacaille
est exposé initialement de manière très sobre,
avec les deux mains jouant à l'unisson. Son rythme blanche-noire
répété obstinément fait immédiatement
penser à la grande Pasacaille et fugue en ut mineur de
Bach.
Pierné fut un excellent organiste, il succéda d'ailleurs
à Franck en 1890 aux orgues de l'Eglise Sainte-Clotilde,
et il occupa ce poste pendant huit ans. L'écriture de cette
Passacaille fait souvent penser à l'orgue : dans certaines
variations, on entend clairement la basse jouée au pédalier.
On sent ici bien sûr l'immense dévotion pour Bach,
l'écriture est très classique et rigoureuse, mais
Pierné ne fait pas néanmoins preuve d'une grande
originalité et d'une certaine modernité ; il
ne s'agit en rien d'une pièce académique. L'oeuvre
se déploie sur dix-sept variations, aboutissant en une
fugue énergique précédant la grandiose coda.
Les "Trois pièces formant
une suite de concert", créées au contraire
15 ans avant les variations et qui à lorigine comportait
10 pièces et devaient en inclure encore plus, montrent
que Gabriel Pierné avait déjà lintention
dexplorer toutes les possibilités du piano, mais
son activité de chef assistant aux Concerts Colonne len
a empêché Pensez-vous que cette autre activité
a effectivement retardé de plusieurs années léclosion
de son talent ?
Pas du tout, il s'agit même plutôt exactement du
contraire ! Certes, à partir de 1903, Pierné entame
une carrière de chef d'orchestre et devient chef assistant
de l'Orchestre Colonne, puis chef principal en 1910. Il va alors
considérablement réduire ses activités de
compositeur, mais il va diriger et défendre les créations
de ses contemporains : Debussy, Ravel, Roussel, Enesco, Stravinski...
Et ses propres compositions s'en ressentent : elles deviennent
plus complexes, plus riches, plus originales; il parvient alors
à maturité.
Pierné avait d'abord prévu d'écrire effectivement
dix pièces pour sa Suite de concert. Il n'en a finalement
écrit que trois qui forment un ensemble assez hétérogène:
Preludio e fughetta qui est un hommage à la musique du
18ème siècle, un très fauréen Nocturne
en forme de valse et pour conclure la redoutable Etude symphonique
qui nous rappelle une fois de plus quel excellent pianiste devait
être Pierné.
Vos enregistrements des trois dernières
années, tant de musique de chambre que piano seul ont parus
sous divers labels et cette fois-ci vous êtes édité
par le label Timpani, avez-vous d'autres projets avec ce label
?
Je suis très heureux de cette nouvelle collaboration
que j'espère longue et fructueuse avec le label Timpani,
spécialiste et ardent défenseur de la musique française,
et notamment de tous ses compositeurs injustement négligés.
Nous venons également d'enregistrer la musique de chambre
de Maurice Emmanuel, autre compositeur à (re)découvrir
et cet enregistrement paraîtra à la rentrée.
Vous avez également à cur
un projet de concert mêlant musique et texte avec Alain
Carré. Est-il possible den savoir un peu plus ?
Il s'agit en effet d'un projet de spectacle mêlant des
musiques et des textes évoquant la nuit avec au programme
des pièces de Chopin, Schumann, Fauré, Debussy,
Bartok ou Pécou accompagnés notamment des "Poèmes
à la Nuit" de Rainer Maria Rilke, des "Hymnes
à la Nuit" de Hölderlin, de divers poèmes
de Charles Baudelaire, Jacques Prévert, Paul Verlaine,
Henri Michaux ("La Nuit remue")...
Quels sont vos autres prochains concerts
hormis votre festival ?
Cet été, je vais participer les 31 juillet et
2 août à une intégrale de la musique de chambre
de Ravel dans le cadre du Festival de Chaillol (Hautes-Alpes).
Je jouerai le 4 août avec le violoniste Julien Dieudegard
au Festival "les Nuits d'été" en Savoie
et enfin je participerai du 26 au 29 août aux concerts de
musique de chambre du festival BWD12 à St-Victor sur Loire,
près de St-Etienne. Enfin, je suis très heureux
de préparer la création du concerto pour piano et
orchestre de Cyril Orcel qui aura lieu le 25 novembre prochain
au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles.
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Pour écouter
Gabriel Pierné
Trois pièces formant une suite de concert Etude
symphonique
Laurent Wagschal, piano
avec l'aimable autorisation
du label Timpani
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