Olivier Chauzu Paul Dukas

Paul Dukas
Intégrale de l'oeuvre pour piano
Olivier Chauzu

Bien connu pour son "Apprenti sorcier", Paul Dukas(1865-1935) n'a composé ou plus exactement publié pour le piano que quatre oeuvres, car très exigent le compositeur a détruit nombreuses de ses partitions. L'une de ses oeuvres est particulièrement gigantesque : la sonate en mi bémol mineur d'une durée de 45 minutes, elle est impressionnante non seulement par cette durée mais surtout sa puissance expressive.
Après avoir enregistré la difficile intégrale d'Ibéria d'Isaac Albeniz, le pianiste Olivier Chauzu semble bien avoir enfilé la panoplie de l'apprenti sorcier pour s'attaquer de nouveau à une intégrale peut souvent jouée et a bien voulu répondre à quelques questions au sujet de ce disque : 

Que représente Dukas dans votre répertoire ?

C'est un compositeur injustement méconnu, je me suis fait un devoir absolu de le faire connaître. En outre, il fut un disciple d'Isaac Albéniz, ce qui se voit dans l'extrême richesse de son écriture. Je tiens vraiment à le défendre dès que je peux convaincre un organisateur de concert. Car sa sonate, qui dure plus de 45 minutes, n'est pas toujours très facile à programmer. C'est un compositeur d'un tel éclectisme, d'une telle érudition et d'une telle culture, qu'il a été influencé par toutes les écoles et les a assimilées de manière intégrale, sa sonate d'inspiration très germanique, voire malhérienne, contraste avec cet hommage au goût français que sont les variations sur un thème de Rameau.

Depuis combien de temps avez-vous découvert ce compositeur et décidé de le jouer ? L'avez-vous souvent joué en concert ?

Depuis deux ans, je le joue très fréquemment. La sonate est une oeuvre que le public ressent bien, malgré ce que d'aucuns pourraient trouver être des longueurs. Mon rêve depuis vingt ans était de défendre ce compositeur. Nous n'avons pas toujours le temps dans la vie. Je décidai un jour de prendre le taureau par les cornes et de m'y lancer. Certains organisateurs sont un peu réticents pour Dukas, mais jusqu'à aujourd'hui je n'en ai vu aucun qui se soit repenti de l'avoir programmé.

Qu'appréciez vous plus particulièrement dans son œuvre par rapport à celle d'autres compositeurs ?

L'éclectisme, l'originalité et la manière dont il a assimilé les styles de ses prédécesseurs, depuis Rameau jusqu'à Debussy en passant par Beethoven et le wagnérisme.

Plus précisément pouvez vous présenté brièvement votre intégrale, ce que vous pensez de chacune de ces quatre oeuvres... ?

La sonate est un héritage de cette tradition germanique, elle peut être considérée comme une continuation des 32 sonates de Beethoven et de la sonate en si mineur de Franz Liszt . Elle a conditionné cette tendance de l'école française du vingtième siècle à renouer avec cette forme: Dutilleux, Boulez, et bien d'autres, qui ont utilisé cette forme pour publier des monuments. La sonate de Dukas a des proportions gigantesques, c'est une symphonie pour piano, un cheminement des ténèbres à la lumière.

Les variations, interlude et finale sur un thème de Rameau sont un hommage au goût français, tour à tour humoristique, dramatique, tragique, primesautier, et emprunte à la forme beethovénienne (ses bagatelles, ses variations) cette logique de la trajectoire allant de l'infiniment grand à de l'infiniment petit, cette continuelle tendance à examiner un thème dans ses éléments les plus microscopiques et lui faire subir les transformations les plus imprévisibles. A l'instar de Beethoven, il n'est jamais stéréotypé, il s'y dégage une force créative insoupçonnée.

Le tombeau de Debussy est un hommage plein de mystère et de nostalgie, le prélude élégiaque sur le nom de Haydn est de la pensée pure, de l'abstraction mise en musique.

Vous aviez dit que vous ne conseillez pas à vos élèves de jouer Albeniz , qu'en est-il de Dukas ?

Dukas aussi. L'écriture de ses oeuvres est très complexe, il faut avoir une technique impeccable avant de les aborder. C'est tellement riche, qu'une heure ou même deux heures par semaine ne suffiraient pas pour que l'enseignement soit le plus efficace. J'ai préparé les oeuvres de ces deux compositeurs presque de manière monacale.

Vous avez de nouveau choisi une illustration d'Alfredo Boto à connotation religieuse ou du moins mystique pourquoi ce choix aussi pour Dukas ?

Iberia est une suite d'évocations d'une Espagne pétrie des trois religions monothéistes, la juive, la chrétienne et l'Islam, et l'image du pénitent catholique de la Semaine Sainte qu'a choisie Alfredo est, au-delà du cliché très albenizien du ciel bleu espagnol, très évocatrice de cette noirceur qui est présente, de même que toutes les autres couleurs, dans la suite Iberia. Pour la couverture de Dukas, j'aime beaucoup cette image païenne et anachronique du dieu Pan regardant avec nostalgie derrière lui, son regard allant se poser sur le tombeau de Debussy, rehaussé d'une croix chrétienne. Beaucoup de mysticisme se dégage de ces deux dessins d'Alfredo Boto. Autant Albeniz que Dukas ont une portée mystique: toute musique a de toute façon une portée mystique, on s'en aperçoit facilement, que l'on soit croyant ou athée (je suis et me revendique athée).

Vous avez enregistré à l'auditorium du duo Dijon, la qualité sonore de votre disque est particulièrement remarquable, que pensez vous de cet auditorium ?

C'est une des meilleures acoustiques que je connaisse. Sensation d'espace et grande précision et fidélité. De plus, le preneur de son, Franck Guinfoleau, tient beaucoup au caractère boisé du son, qui n'est pas toujours rendu par un son digital. Nous nous sommes retrouvés sur ce point.

A noter sur vos agendas : un "show case" est prévu le 22 avril 2008 à 17h à la FNAC des Ternes à Paris

Ecoutez un extrait durant le mois d'avril 2008 en page "Morceau du mois"...cliquez ici

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