WOLFGANG AMADEUS MOZART (1756-1791)
Piano Sonata no. 8 in A minor, K. 310 (300d)
a-moll · en la mineur
ALBAN BERG (1885-1935)
Piano Sonata, op. 1
FRANZ LISZT (1811-1886)
Piano Sonata in B minor, S 178
BÉLA BARTÓK (1881-1945)
Danses populaires roumaines
"Résonance est l'hommage très personnel
d'Hélène Grimaud à Vienne, ville de musique
classique par excellence. De Mozart (Sonate n°8 en La mineur)
à Berg (Sonate pour piano op. 1), en passant par Liszt
(Sonate pour piano en Ut mineur) et Bartók (Six Danses
populaires Roumaines), Hélène Grimaud capture et
retranscrit l'esprit qui animait ces compositeurs Viennois à
des époques clés dans l'histoire de la musique.
Hélène Grimaud apporte sa maturité artistique,
son talent et son regard contemporain à des oeuvres aux
styles très contrastés et pourtant complémentaires"
A lire ci-dessous un entretien avec Hélène Grimaud
réalisé par Wilhelm Sinkovicz au sujet de son disque
Résonances
UN VOYAGE À L'INTÉRIEUR ET SUR LES MARGES
"J'avais onze ans et je savais jouer la première page
et demie, peut-être. Je n'avais aucune idée de ce
qu'était cette uvre, mais ce que j'arrivais à
lire et à jouer me fascinait." Hélène
Grimaud dé-crit son approche précoce, encore presque
enfantine, de l'uvre qui constitue le cur de cet al-bum:
"La Sonate d'Alban Berg, poursuit-elle, a été
le point de départ de ce programme, qui par-court de façon
apparemment arbitraire l'histoire de la musique." La pianiste
décèle pourtant de subtiles voies de communication
qui la conduisent géographiquement à travers le
territoire de l'ancienne double monarchie danubienne. "Je
sais bien que la Salzbourg mozartienne n'appartenait pas officiellement
à l'Autriche et que Bartók se serait fermement élevé
contre cette récupération. Il n'empêche que
la musique de Mozart anticipe certaines choses qui s'épanouiront
pleinement dans la musique de l'Empire austro-hongrois, chez Liszt
et même chez Berg."
Des résonances sont perceptibles. Des échos et des
anticipations, des liaisons historiques transver-sales absolument
passionnantes, qui s'associent dans la sonate de Berg. Le premier
opus du maître viennois de l'atonalité est encore
écrit "en si mineur", ce qui ne l'empêche
pas d'explorer déjà tout le territoire tonal, jusqu'à
ses limites. Cette uvre constitue le point de départ
conceptuel et le point culminant effectif du voyage sonore auquel
Hélène Grimaud invite ses auditeurs à l'accompagner.
Tout mène à la concentration harmonique et thématique
qu'atteint l'élève d'Arnold Schönberg dans
son "chef-d'uvre de compagnon". Dans la sonate
de Berg, tous les éléments de la forme sonate classique
sont concentrés et rassemblés sans fioritures en
un unique mouvement.
Mais la rigueur architecturale - un écho de l'ordre classique
que Berg a emprunté à son maître - va de pair
avec une richesse de contenu, une générosité
émotionnelle que l'on rencontre rarement dans la musique
moderne, laquelle atteint ici son premier sommet.
"On se dit qu'un morceau qui porte le numéro d'opus
1, déclare Hélène Grimaud, est obligatoirement
une uvre de jeunesse. Mais en réalité, la
sonate incarne parfaitement ce que Berg a pu apporter au monde.
Une expressivité suprême, qui émane, semble-t-il,
directement de l'âme, qui ignore tout calcul - et en même
temps, une pièce dont la structure est d'une clarté
inimaginable."
Les retrouvailles avec cette partition que la pianiste avait déjà
considérée dans son enfance comme un trésor
énigmatique et fascinant ont eu lieu en 2009: la célèbre
interprète relit cette u-vre mystérieuse,
que son professeur Pierre Barbizet avait copieusement annotée
en couleurs et assortie d'un "sommaire" affectueux,
collé sur la page de garde. Elle se révèle
alors avec l'immédiateté d'une scène dramatique
d'opéra romantique. "C'est un drame musical, dit la
pia-niste, coulé dans la forme miniature d'une sonate en
un mouvement."
D'où le rapport évident avec l'unique sonate, elle
aussi en si mineur, du magicien des pianistes romantiques: "Franz
Liszt écrit, lui aussi, une sonate en un seul mouvement,
explique Hélène Grimaud, mais de dimensions gigantesques
- wagnériennes même, pourrait-on dire. Sur le plan
architectural, les mouvements d'une sonate en plusieurs sections
se fondent ici avec la forme so-nate, comprenant exposition, développement,
reprise et coda. Encore des échos de choses connues, mais
redéfinies et organisées de façon absolument
inédite, concentrées dans un vaste parcours formel.
Une fois de plus, la question n'est pas celle de la maîtrise
de l'élaboration d'une telle construction. Le contrôle
absolu qu'exerce Liszt sur la statique musicale n'implique pas
obligatoirement une maîtrise tout aussi aboutie de l'expression.
On assiste ici à la naissance d'un drame musical, commandé
par les possibilités du piano, d'une sonate aussi théâtrale
que peut l'être une sonate, opératique en un sens
instrumental. N'oublions pas les éléments de l'histoire
de la musique: Wagner n'aurait pas composé ses opéras
si Liszt n'avait pas existé. En tout cas pas tels qu'il
les a composés."
Avec la sonate de Liszt, la pianiste se transforme en metteuse
en scène, un vrai défi artistique à ses yeux:
"Cela nous ramène, historiquement, à Mozart.
En vérité, il écrit lui aussi des scènes
d'opéra pour son instrument, il lui fait chanter des récitatifs
et des arias. Il tire tout cela des possi-bilités du piano,
il est pour son temps - ce qui le rapproche de Liszt et de Berg
- un extrémiste de l'expression, ce qui, soit dit en passant,
l'a également rendu intéressant pour Beethoven:
les mou-vements médians de la Sonate en la mineur de Mozart
et de la Sonate "La Tempête" de Beetho-ven sont
frères! La sonate de Mozart regorge de choses à
venir; et elle parle un langage subjectif."
La musique de Béla Bartók s'adresse à nous
comme celle de Liszt et de Berg, mais par un biais légèrement
différent. Il a cherché à définir
musicalement le langage de façon plus concrète encore
que ses prédécesseurs. Il se met en quête
- à l'intérieur des frontières de la monarchie
des Habs-bourg, mais aussi après l'effondrement de celle-ci
- de la vraie musique populaire, du langage authentique des hommes,
dont il fait la source de son inspiration. Ce n'est pas sous forme
d'échos mais directement, sans altération, qu'il
nous la présente dans des uvres comme les Danses
popu-laires roumaines. Au terme de notre voyage musical vers l'Est,
ces pièces nous font entendre l'expression la plus immédiate
de l'homme qui chante et qui danse, là où l'expression
du sujet se fond à nouveau dans la compréhension
collective. L'entretien avec Hélène Grimaud a été
réalisé par Wilhelm Sinkovicz
en avant première (extrait du livret du disque paraissant
chez Deutsche Grammophon)
A voir : vidéos de présentation du disque Résonances
d' Hélène Grimaud en trois épisodes et interview
par France 2
Pour écouter
des extraits du disque
HELENE GRIMAUD Résonances
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