Caja Magica MARIA PAZ SANTIBANEZ Disque et concert de la pianiste
Nouveau ce disque, très apprécié des internautes de pianobleu.com fait parti des "Disques de l'été 2014"
La Caja Magica
Maria-Paz Santibañez, piano
Nouveau ce disque, très apprécié des internautes de pianobleu.com fait parti des "Disques de l'été 2014"
A découvrir ce disque qui est le fruit d'un projet original de La pianiste Maria-Paz Santibañez qui a pu être financé grâce à un appel de fonds via le site "Ulule"qui en moins de deux mois a reçu 132% des fonds nécessaires pour sa réalisation, c'est dire si la pianiste a su convaincre nombre de donateurs !
Il est vrai que son projet avait tous les atouts pour convaincre et donc se concrétiser : d'origine chilienne, Maria-Paz Santibañez souhaitait réalisé ce CD, précisément alors que "le Chili de Neruda et de Claudio Arrau commémore les 40 ans du coup d'Etat de 1973". Il faut dire aussi que ce disque aurait pu ne pas sortir puisque elle a failli définitivement s’arrêter de jouer du piano, en 1987, sous la dictature de Pinochet. Mais, désormais installée à Paris, c'est en fait le troisième qu'elle enregistre. Elle a en effet étudié le piano à la Faculté des Arts de l’Université du Chili avec le pianiste et professeur, Galvarino Mendoza, son père musical. Elle a poursuivi sa formation en République Tchèque avec le professeur de l’Académie de Musique de Prague, Jaromir Kriz. En 1999, après l’obtention d’une Maîtrise d’interprétation supérieure de piano à l’Université du Chili, elle s’est installée à Paris, afin de suivre ses études de perfectionnement. Elle a ainsi obtenu en 2001, le Diplôme d’Exécution à l’Ecole Normale de Musique de Paris Alfred Cortot sous la direction d’Odile Delangle.
Maria-Paz Santibañez nous propose de partir à la découverte de trois générations de compositeurs du sud de l'Amérique latine. Sont ainsi réunies des oeuvres du composirteur argentin 'Alberto Ginastera(1916-1983) (sans doute le compositeur plus connu de ceux de cet enregistrement) , Pedro Humberto Allende (1885-1959), l’un des compositeurs chiliens majeurs du XXe siècle; les illustres péruviens Enrique Iturriaga (1918), compositeur et pédagogue de grande réputation et Celso Garrido-Lecca (1926) , l’un des grands représentants de la musique d’aujourd’hui du continent ; de la jeune génération chilienne, Mauricio Arenas-Fuentes (1964), compositeur formé en France et Miguel Farias (1983), l’une des étoiles montantes de la création contemporaine. Chacun de ses six compositeurs a effectué de longs séjours loin de sa terre natale, aux Etats-Unis comme en Europe, nourrissant ainsi sa création de multiples influences.
Ce disque sera présenté lors d'un concert qui aura lieu de le 28 septembre 2013 à 20 heures, au Goethe Institut de Paris : 17 avénue de Iéna, 75116
Maria-Paz Santibañez a bien voulu répondre à quelques questions pour présenter ce disque, et comme ses réponses sont très longues , voici donc cet entretien sans autres commentaires si ce n'est bien sûr que ce disque plaira à tous les esprits curieux de savoir ce qui se passe ailleurs dans le monde du piano et de s'ouvrir à de nouveaux horizons musicaux, et vous pourrez écouter quelques courts extraits plus bas dans cette page.
Vous êtes d’origine Chilienne mais vivez en France depuis plusieurs années, et êtes à la fois professeur titulaire dans un conservatoire en Région parisienne ainsi qu’à l’Université ARCIS au Chili., comment vous partagez-vous entre ces deux pays, et la musique de l’amérique du sud constitue –telle votre « pain quotidien » ?
Par des circonstances de la vie j'ai été un peu « nomade » entre mes 20 et 30 ans. Depuis 1999 mon pays de résidence est la France. Je sus arrivée avec une bourse d'études et au bout de deux ans j'ai décidé de rester. De par mes origines italiennes j'ai pu me présenter au concours pour intégrer la Fonction Publique territoriale et devenir enseignante dans un conservatoire. Ainsi, depuis quelques années, je siège aussi dans des jurys d'examens de fins de cycle dans des CRD et dans des CRR, particulièrement celui de Boulogne où j'ai pu apprécier le beau et solide niveau d'enseignement musical français, ce que j'avais déjà constaté il y a 12 ans quand je passais les concours pour l'obtention de mes diplômes à l'École Normale de Musique Cortot.
En 2002 j'ai rencontré Claude Helffer (1926-2004), pianiste passionné et engagé dans et avec son temps, chercheur infatigable. L'avoir rencontré m'a beaucoup marqué, et m'a énormément apporté au niveau humain et musical; par ailleurs c'est lui qui a présenté en 2002 mon premier CD. Il s'avère que j'ai inventorié et scanné ses 25 Cahiers d'analyse (cf: article et descriptif du contenu de ces Cahiers sur mon site internet) et j'ai transcrit les paragraphes dédiés à la musique de ses Carnets personnels (10 carnets rédigés entre 1969 et 2004. Cette sélection m'a été dictée par sa veuve, Mme Mireille Helffer). J'espère bien qu'un jour tout ce matériel pourra être mis à disposition des musiciens et des chercheurs ! Pour ce faire j'avais entrepris une thèse de Doctorat en Musicologie à l'Université Paris-Sorbonne. N'ayant pas trouvé le financement nécessaire pour finir ce travail qui demande beaucoup de temps, j'ai du le laisser en attente. J'entends actuellement que dans les universités françaises la mention « Musicologie » pour les Licences est en danger... j'espère vivement qu'il y aura un peu de bon sens et moins d'ignorance, et que la musicologie comme discipline gardera sa place au sein des Sciences Humaines et Sociales
Effectivement, ma vie est partagée aussi entre l'enseignement et les concerts. C'est en rapport à cette activité, mes concerts et quelques publications que je garde les liens avec l'Université Arcis du Chili: mon activité de concertiste et mes recherches font partie des activités d'extension de ladite université, je n'ai donc pas à être présente devant les élèves. C'est presque anecdotique comment j'ai intégré le corps des professeurs de Arcis, mais je suis très fière de pouvoir apporter mon grain de sel aux activités de cette université privée. Arcis a été une pionnière des salles de classe « alternatives » et presque clandestine pendant la dictature de Pinochet. C'est à Arcis qu'enseignent plusieurs professeurs qui ont été exiles et/ou expulsés ou exonérés des Universités publiques dirigées par des Généraux sous la dictature chilienne. En tout cas je ne peux m'empêcher de mentionner que j'ai été formée à l'université du Chili, l'une des grandes Universités de l'Amérique Latine. Je crois que chaque ancien élève est fier d'avoir étudié à l'Alma Mater qui est l'Université du Chili.
Par ailleurs, en octobre je dois me rendre au Chili pour donner des concerts dans le cadre de l'anniversaire de l'université (qui a plus de 150 ans), et je le fais avec beaucoup d'émotion. C'est mon professeur d'enfance, à la Faculté des Arts de l'Université du Chili (qui regroupe le conservatoire et la Fac) , Mr. Galvarino Mendoza -qui a suivi des études à New York avec le grand Arrau - qui m'a transmis l'amour de la musique, de la discipline et... de Debussy, de Chopin, de Beethoven... Je nomme que les « classiques » mais, bien entendu, je suis très également proche de la musique d'aujourd'hui; j'aime la richesse des timbres, la construction des nouvelles formes...parce qu'en matière de musique plus proche de notre temps, si ce ne sont pas les aspects de forme d'une oeuvre, ce sont les jeux de timbres d'une autre qui me font aimer tant de compositeurs et chacun par divers éléments !
En tout cas, à la base de mes amours en musique se trouvent les grands classiques, que je cultive chaque jour; c'est un peu comme cet hommage à la mémoire et à l'avenir que je fais actuellement à travers mon CD « La caja magica » (la boîte magique): sans mémoire, il n'y a pas d'avenir !
Et oui, dans mon répertoire il y a toujours des compositeurs de l'Amérique du sud, et actuellement je tends vers les plus jeunes, qui ont beaucoup d'énergie!.
A part Ginastera , les cinq autres compositeurs dont vous avez choisi d’enregistrer des œuvres sur ce disque sont peu connus en Europe alors que la plupart vivent encore et sont venus parfois en Europe . Comment vous expliquezvous que leur musique ne passe pas les frontières à l’heure où les voyages et le partage médiatique sont plus faciles qu’à l’époque de Ginastera et d’ailleurs que au moins l’un d’eux soit installé en France ?
Il faut se rappeler qu'au milieu de sa carrière Arrau était presque inconnu en France et qu'à la fin il n'y avait plus de place pour assister à ses concerts... Pour ce qui est des compositeurs nés dans les années 20 (les deux sont encore vivants: Garrido-Lecca et Iturriaga), leur travail a surtout consisté à ouvrir le milieu musical de leur pays lointains comme le Pérou ou le Chili, et de former ou d'inciter les jeunes à cultiver l'art de la composition avec un langage qui leur soit propre. Iturriaga a formé, par exemple, le jeune Jimmy Lopez, qui commence à être assez connu aux USA et un peu en Europe. Garrido-Lecca a composé des oeuvres énormes comme un concerto pour charango et orchestre (bellissime!), il a mis en musique des poèmes de Vallejo et s'est souvent inspiré des apports des musiques populaires... Lors du coup d'état au Chili il était le directeur du département de composition de la Faculté des Arts de l'Université du Chili et travaillait avec le musicien et homme de Théâtre Victor Jara sur un ballet dénommé « Los siete estados ». Victor Jara fût assassiné par les militaires, Garrido-Lecca exilé; le ballet n'a pas vu le jour, la musique a été perdue. Les quatuors de Garrido-Lecca sont joués par le grand quatuor « Cuarteto Latinoamericano », résident à Carnegie Mellon Pittsbourg pendant des nombreux années (de 1997 à 2007); ce quatuor a enregistré pour les labels Quindecim, Urtext, Luzam, Naxos, Tonar, Tocatta, Elan, New Albion y Dorian Sono Luminus, gagné les Grammy Latino en 2012 et sont considérés par la presse comme un référent. Mais je pense qu'ils ne sont pas connus en France contrairement aux USA, Angleterre, Japon, Italie...
Le cas d'Allende est tout autre : c'était un intellectuel et un musicien du début du Xxe siècle, très cultivé, il a beaucoup voyagé en Europe parce que ceci faisait partie de son éducation; il a assimilé le langage (de façon très réussie!) de ses contemporains, tout en léguant une oeuvre "nationaliste". Il a rencontré Debussy, Cassals, et ce dernier a étrenné son concerto pour violoncelle; ses Tonadas ont été dédiées à Ricardo Vines qui les a joué plusieurs fois. Il est cité par Guy Sacre dans son dictionnaire des compositeurs de La Musique pour piano: « du moment qu'il nous laisse les Tonadas il ne faut pas regretter que Pedro Allende ait si peu écrit pour notre instrument ». Une fois de retour au Chili il a énormément contribué à créer et solidifier l'enseignement musical académique au Chili.
Dans le cas des jeunes, je ne saurai dire qu'est ce que ça veut dire d'être « connu »...En tout cas, et pour revenir au répertoire connu en France ou en Europe, je pense que tout dépends du milieu: la musique classique n'est pas un produit « de consommation » et beaucoup moins la musique du Xxe siècle ou contemporaine; cette dernière est connue par peut être le 5% des amateurs de musique dite « classique ». J'adore quand je vais à un concert de l'ensemble Intercontemporain et que la salle est pleine: ce sont des amateurs de musique contemporaine, si spécifique, qui sont là! Donc, c'est un travail de tous les jours...
Actuellement, en tout cas, il me semble qu'il faut des « passeurs » pour certains répertoires: A titre d'exemple, l'oeuvre « Colores de la Cruz del sur » de Esteban Benzecry, a été interprétée depuis au moins une dizaine d'années par le grand chef de la Fort Worth Symphony , Miguel Harth-Bedoya (péruvien, il est aussi, actuellement, chef de l'orchestre de la Radio de Norvège). Il s'avère qu'il l'a joué, ré- joué, enregistrée... finalement Dudamel repère cette pièce et la donne en juin dernier à Paris (Pleyel), à Amsterdam et à Colonne, avec la Royal Concertgebouw Orchestra; il semblerait que l'oeuvre avait fait « ses preuves ».
Pour insister sur le point de « ce qui veut dire être connu ou pas »: il est un fait que Miguel Farîas n'a que 30 ans mais a remporté au moins 7 prix internationaux de composition ces derniers 4 ou 5 annnées (par exemple Injuve 2007 -Espagne, Frederic Mompou , BMW Musica Viva Orchestre de la Radio bavaroise -Munich, Allemagne, et a été finaliste aux concours, Tactus 2008 -Belgique, Reine Elisabeth 2009, Reina Sofia...); ses oeuvres ont été jouées par d'ensembles européens et par au moins 5 orchestres européennes, dont quelques 3 ou 4 françaises (Ensemble Contrechamps, l'Ensemble Aleph, le Luxembourg Sinfonietta, l'Orchestre de la Radio et de la Télévision espagnole, l'Orchestre de Lille, l'Orchestre de Lorraine...). Il a étudié à Lyon (et à Genève) et il réside à nouveau à Lyon depuis août dernier. Mauricio Arenas est moins prolifique comme compositeur et son choix (de vie) est plus intimiste; mais il a été primé dans un concours très important de composition (Segovia) pour son oeuvre « Hechizos » pour guitare et il est assez renommé dans le milieu de la guitare. Son oeuvre « La caja magica » a été distinguée dans le concours de composition Dutilleux. Dans le cas de Mauricio, son activité d'interprète et d'enseignant de guitare jouent, je pense, sur un choix de présence beaucoup plus discrète dans le milieu de la composition musicale. Mais son travail rythmique, du timbre, de la forme, n'ont rien à envier à plusieurs autres compositeurs que je vois plus « à l'affiche »!. C'est mon point de vue.
Peut être que le fait de parler de ces merveilleux jeunes compositeurs ici permettra qu'ils soient un peu plus connus ?
Quelles sont les particularités européennes que l’ont retrouvent plus particulièrement dans la musique de ces compositeurs d’amérique du sud ? Sont-elles différentes de celles des siècles précédents ?
Je ne pourrai pas généraliser à propos des siècles derniers en Amérique Latine; certes, il y a eu beaucoup de musique écrite mais pas par les peuples originaires, elle était dû aux criollos à tendance européanisante ou par les espagnols colonisateurs. C'était de la musique européenne, la musique créole et le reste n'avait pas de voix au chapitre.
A partir du XXe siècle commence une recherche de type plutôt « nationaliste », puis viennent les grands Ginastera, Villalobos, Revueltas... ainsi que plein d'autres personnages qui sont parfois presque anecdotiques dans l'histoire de la musique. La musique des anciens esclaves, la musique « noire », très peu présente au Chili, a nourri énormément l'ambiance musicale. Se suivent d'autres avancées, l'instauration d'institutions d'enseignement musical avec des recherches plus poussées sur le timbre, assez tôt des explorations dans le domaine de l'électro acoustique...le rythme, traité de façon tellement souple...
Je dirais aujourd'hui que les jeunes de l'Amérique latine ont des choses nouvelles à apporter, plein d'idées, de ressources qui leur sont propres et qui représentent un apport certain par rapport à ce que nous entendons en europe-fatiguée elle aussi il faut bien le reconnaître. L'Ircam reçoit, je l'ai appris récemment, de plus en plus de latinos... qui réussissent! Et ils ne sont pas mal à l'aise avec le langage, le traitement formel, bien au contraire, le niveau et les exigences de l'écriture sont assez globalisés actuellement!
Le compositeur Mauricio Arenas Fuentes , né au Chili et vivant en France, et dont vous jouez deux œuvres sur cet enregistrement, semble vous avoir particulièrement soutenu dans cette action, pouvez-vous nous présentez plus particulièrement ses œuvres pour piano et éventuelles autres…
Mauricio Arenas-Fuentes est arrivé à 11 ans en exil, en France. Il est par formation guitariste et compositeur, actuellement il a un duo avec la violoniste Gaétane Herpe; et leur répertoire est assez varié, avec notamment d'oeuvres à lui. Il est très souvent demandé par des guitaristes (Chili: pays de guitaristes, qui remportent le plein de prix internationaux de guitare!) pour ses oeuvres, d'un catalogue réduit mais de grande qualité. J'ai étrenné son concerto pour piano et orchestre « Antigua » en 2007 à Montevideo, avec la Philharmonique de Montevideo. Il a aussi écrit « La caja mâgica », oeuvre onirique et exigeante: le métronome doit être dans la tête, à la fois que la couleur et la souplesse. Il est très exigeant! (il est mon directeur artistique et je l'adore parce que il me dit toujours ce qui va et ce qui ne va pas, surtout ce dernier!). Son oeuvre « Memorias de un poeta », dédiée à Neruda, devrait être jouée très prochainement, et Hechizos fait partie presque obligée du répertoire des guitaristes! Et les belles variations pour piano sur le thème de « Gracias a la vida » de Violeta Parra, une chanson très belle et emblématique en Amérique Latine.
Miguel Farias est l’une des « étoiles montantes » de la création contemporaine, pourquoi avez –vous choisi précisément d’enregistrer son œuvre « Impulso » et comment se situe-t-il par rapport à Celso Garrido Lecca qui lui est un des grands « représentants de la musique d’aujourd’hui et Pedro Humberto Allende qui lui est un compositeur majeur du 20ème siècle ?
Miguel est un compositeur que j'aime beaucoup. Son oeuvre Impulso se situe dans une période de recherche, quand il était étudiant; elle a été primée lors d'un concours de composition en Espagne. De cette oeuvre sont issus ses études pour piano, de 2013. Impulso une pièce très exigeante, avec trois parties bien distinctes, très rythmique, avec un grand élan. Même si c'est une oeuvre de « jeunesse » (d'il y a 5 ou 6 ans à peine...), elle reste très bien écrite et séduisante. Miguel est actuellement plus axé sur un discours proche des sources provenant de l'Amérique Latine (ce qui n'est pas absent de Impulso, sauf que c'est peut être moins directement énoncé). C'est un compositeur engagé avec son temps: pour ne citer qu'un exemple: il a reçu (en plus du Prix des critiques d'arts) le prix des arts nationaux « Altazor 2013 » au Chili pour son opéra « Renca Paris y Liendres »; lors de la remise de cette récompense il a cédé le micro pour que les militants de une ong écologiste puissent lancer un appel. Dans cette opéra il inclut des personnages de la vraie vie des rues, dont un « méchant » (oligarque? Impérialiste?) qui philosophe aux WC. Je l'imagine entrain de dire: « Je situe les ordures à leur place... ». Mais il est très fin: cette opéra est inspirée d'une légende des débuts du Xxe siècle, d'un quartier populaire de Santiago. Même si elle reste d'actualité, il ne s'agit pas d'un discours direct et démagogique qui se servirait de la musique; bien au contraire, c'est le musicien qui redécouvre une légende, et qui la recrée en musique avec tout le poids d'un discours idéologique au delà de la contingence. Il est très maître de son langage et de son écriture.
Récemment j'ai envoyé une sélection de ses études comme proposition pour un CRR (pour les fins de cycle): l'un des profs m'a répondu plus ou moins: « qu'est que c'est agréable de recevoir des partitions propres, bien écrites, intéressantes! ». Il est jeune et tout l'avenir devant lui, et je sais qu'il est apprécie ici dans le milieu musical; j'espère que toutes les portes lui seront ouvertes pour qu'il puisse partager un jour toutes ses idées!
Celso Garrido-Lecca reste un référent pour toute une génération de compositeurs et d'interprètes en Amérique Latine, et Allende un père de la création au Chili. Miguel est loin de méconnaitre ses ailleuls
Comment ces compositeurs sont–ils réputés en Amérique du sud ? Et la proportion de compositeurs « contemporains » est-elle plus élevé dans votre pays qu’en France ?
A titre d'anecdote, je me souviens qu'à la fin des années 90 les études de composition avaient une telle demande qu'il n'y avait pas la place pour tout le monde. Dans une période si dure au niveau idéologique (partout), il semblerait que les gens ont besoin plus que jamais de « s'exprimer ». Je ne pourrai pas dire si la proportion est plus élevée qu'ici...malheureusement au Chili les études sont donnés à ceux qui payent pour.. (heureusement pas les diplômes!). Donc, il est fort probable qu'il y ait un nombre énorme d'étudiants dans tant d'universités privées (et oui, l'éducation est un grand sujet actuellement au Chili!). En tout cas, il y a une activité musicale précaire du point de vue des moyens, mesquine du point de vue de l'engagement de l'état et florissante du point de vue de l'énorme quantité d'activités artistiques qui voient le jour grâce à la volonté des créateurs. Malheureusement le Chili n'a pas un vrai ministère de la culture ni de politique culturelle: ce qui se fait en culture, financé de façon publique, est issu d'un concours de projets, avec très peu de ressources et sans (ou très rarement) suivi dans le temps...
Et de plus en plus les orchestres, choeurs professionnels ou amateurs créent des oeuvres « pour le grand public », ce qui me fait parfois pitié : un énorme orchestre de jeunes entrain de jouer « la, mi, la, mi mi, mi, mi, la », pour accompagner un musicien populaire... (bon, parfois ils feront les notes de l'arpège....). Au stade ou simili, bien évidement.
Donc, je ne suis pas sure que les compositeurs soient assez jouées, par ailleurs je me rends presque chaque année de façon bénévole au Festival de musique contemporaine de l'Université du Chili...qui a plus de 50 ans! Il faut savoir qu'entre 1948 et 1969, selon les archives de la Revue Musicale Chilienne, 215 oeuvres de compositeurs chiliens ont été données en première lors des festivals de l'Université du Chili, qui comptait avec l'orchestre Symphonique à disposition.
Ce chiffre a été ramené à quelques 25 entre 1973 et 1990, période pendant laquelle le Festival de musique contemporaine avait été interrompu par la dictature. (cf: Rev. Music. chil. v.57 n.199 Santiago jan. 2003)
Actuellement le Festival de l'Université a réussi a trouver des fonds pour un certain nombre d'années et que depuis 3 ans l'Orchestre Symphonique dédie une soirée au festival.
Le Festival de musique contemporaine de Lima n'a pas de ressources non plus, mais ils ont quand même pu donner plusieurs oeuvres de Garrido Lecca et de Iturriaga, qui ont été à l'honneur au Festival. Cette année l'un des compositeurs à l'hommage à Lima est José Carlos Campos, résident en région Parisienne. Ces festivals ont compté avec la participation de l'ensemble Proxima Centauri et de Carl-Emmanuel Fisbach avec Marie Ythier parmi d'autres participants français.
Vous vous êtes inscrite sur un site internet d’appel de fonds pour financer votre site,en combien de temps avez-vous réussi à collecter les fonds nécessaires etcela a-t-il été difficile : avez-vous du mener nombreux autres actions médiatiques ( réseau, mails, publicités, etc…) pour y parvenir ?
Nous avons préparé cette campagne pendant au moins un mois. Il fallait bien savoir comment proposer une demande avec des contreparties ! Le site Ulule est très « professionnel »: nous avons eu un très bon suivi, des questions précises de la part de l'équipe qui gère la plateforme. L'idée à la base est venue de mon fils, qui a trouvé qu'il fallait passer à une vitesse supérieure, et découvrir et se servir de cette nouvelle forme de financement. La campagne a duré environ un mois et demi, les mails ont été réguliers, l'info sur nos sites internet, sur les réseaux sociaux..; Nous avons eu le soutien de certains médias (parmi lesquels piano bleu, merci!). Nous avons également reçu du soutien de l'étranger. Barbara et Sarah, toutes deux journalistes ayant travaillée pour des ONG ont géré la communication, qui s'est fait à travers le site ulule ainsi qu'à travers les mailings, les réseaux sociaux. Je dirai que ce n'est pas difficile, mais qu'il faut s'investir et rester cohérente avec la proposition qui est faite: une proposition sérieuse pour inviter les gens à adhérer à votre projet, à se l'approprier, et leur faire comprendre que vous êtes à fond dedans.
Lors du concert du 26 septembre jouerez vous intégralement ce disque et/ou d’autres œuvres ? Lors du concert de lancement public du CD, le 28 septembre au Goethe Institut de Paris ?
Je jouerai une partie du CD, oui. Dans la première partie, Allende (Chili) , Iturriaga (Pérou) et Ginastera (Argentine) et une partie du répertoire que j'affectionne particulièrement : Debussy, les « Images I » et Bartok, la suite « En plein air » II. En deuxième partie, les deux jeunes compositeurs présentes sur le CD: « Impulso » de Miguel Farias et « La caja Magica » de Mauricio Arenas-Fuentes; je ferai deux premières, Ccantu (la fleur de l'Inca) de Jimmy Lopez (Péruvien résident eux USA) et la Toccata Newén de Esteban Benzecry (Argentin résident en France). Ces deux premières mettent l'accent sur l'idée d'avenir, les jeunes compositeurs, la nouvelle génération!
L’ambassadeur du Chili en France assistera à votre concert, la musique « savante » tient –elle une place très importante, au niveau institutionnel , au Chili ?
Je disais plus haut: au Chili il n'y a pas de vraie politique culturelle... mais beaucoup d'initiatives artistiques ! Notre ambassadeur , M Jorge Edwards est un grand écrivain. Ses amis les plus proches sont des artistes peintres, des écrivains, des musiciens, des architectes. Il a été ministre conseiller chilien à Paris quand Pablo Neruda était Ambassadeur; tous deux étaient amis, ils ont partagé avec les grands artistes qui résidaient à Paris...M. Jorge Edwards possède cette ouverture et une sensibilité spéciale depuis toujours !
Le Chili commémore actuellement le 40e anniversaire du coup d'Etat et la mort du président Salvador Allende, événement durant lequel , on peut le voir dans la vidéo promotionnelle de votre disque sur Ulule, la musique vous a beaucoup aidé, que pensez-vous du Chili d’aujourd’hui ?
Salvador Allende l'a dit lors de son dernier discours, quand le Palais présidentiel était bombardé: « J'ai de l'espoir en Chili et en son avenir »... Les fleurs ont été coupées, et ceci est devenu systématique... mais il est impossible d'empêcher l'arrivée du printemps !. Les nouvelles générations ont la parole, ils agissent... l'avenir leur appartient et nous sommes ici pour leur rappeler d'où nous venons.
Pour écouter plusieurs extraits du disque la Caja Magica
Maria-Paz Santibanez , piano
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Ginastera - Dansa de la moza donoza
Allende- Tornada III
Iturriaga- Danza
Garrido-Lecca - Toccata
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Farias - Impullso
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Alberto Ginastera - Dansa de la moza donoza
Allende- Tornada III
Iturriaga- Danza
Garrido-Lecca - Toccata
Arenas-Fuentes - La Caja Magica
Farias - Impullso
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