Beethoven Sonates Second volume François Frédéric
Guy PIANO
Ludwig
van Beethoven (1770-1827)
Sonates Volume II
CD1
Sonate en Ré Majeur, Op. 28, «Pastorale»
Sonate en Sol Mineur, Op. 49 no. 1 et n°2
Sonate en Do Majeur, Op. 53, «Waldstein»
CD2
Sonate en Sol Majeur, Op. 31 n°1, n°2 "La tempête",
n°3
CD3
Sonate en Fa Mineur, Op. 57, «Appassionata»
Sonate en Sol Majeur, Op. 79
Sonate en Fa Dièse Majeur, Op. 78, «A Thérèse»
Sonate en La Majeur, Op. 101
Sonate en Fa Mineur, Op. 54
François-Frédéric Guy, piano
Le pianiste
François-Frédéric Guy a donné à
l'arsenal de Metz fin avril 2012 les derniers concerts d'enregistrement
de son intégrale des sonates de Beethoven pour le label Zig Zag
Territoires mais ce n'est là nullement une fin pour l'interprète
passionné par ces sonates qui confirme une fois encore dans un
nouvel entretien à l'occasion de la sortie de ce disque (voir
ci-dessous) qu'il est toujours prêt à recommencer.
Ce nouveau coffret "Volume 2" contient les enregistrements
réalisés lors des concerts de décembre 2010 et
avril 2011, le dernier volume devant paraître à la fin
de l'année. Les douze sonates qu'il contient ont été
composées entre 1795 et 1817 et sont de forme différentes
de la simple sonatine à la puissante grande sonate innovatrice.
Comme vous pouvez le voir dans la liste ci-dessus certaines ont reçu
des titres et elles furent souvent les plus appréciées
du public ou du moins les plus connues et les plus souvent jouées.
Une intégrale est l'occasion pour les auditeurs de (re)découvrir
celles parfois négligées à tort, c'est surtout
aussi ici l'occasion de poursuivre ce partage auditif de concerts live
aux programmes impressionnants.
Un coffret à déguster au choix disque par
disque ou dans son intégralité pour les amateurs de fortes
émotions : passion, tempête, adieux... certes mais sans
doute les propos d'un compte rendu paru dans l'Allgemeine musikalishe
Zeitung du 1er octobre 1817 au sujet de la sonate opus 101, rapportés
par Beate Angelika Kraus, auteur du livret, pourrait s'appliquer pour
partie de façon plus générale à ses sonates
: " La nouvelle production dont Beethoven nous gratifie une
fois de plus la preuve de son inépuisable éclectisme,
de sa profonde expérience artistique, de son imagination débordante
et de son génie universel. Assurément, avec cette cent-unième
composition, nous sommes saisis d'admiration et de respect renouvelés
lorsque nous nous aventurons, guidés par cette inégalable
peintre des âmes, sur des chemins étrangers et jamais encore
foulés, comme par un fil d'Ariane à travers des enchevêtrements
labyrinthiques - où nous accueille tantôt le murmure d'un
frais ruisseau, tantôt la vue d'un rocher escarpé ; où
nous attire le parfum suave d'une fleur, où parfois un sentier
de ronces voudrait nous effrayer".
Admiration et respect renouvelés aussi au pianiste François-Frédéric
Guy qui en ayant accepté ces enregistrements live nous permet
d'entendre vivre ses oeuvres dans l'authenticité d'un concert.
Vous pourrez écouter plus bas dans cette page le "redoutable
finale de la sonate opus 78 "à Thérèse""
dont le pianiste explique dans l'entretien combien ce mouvement lui
a donné de fil à retordre mais nul doute que bien d'autres
mouvements ont du lui en donné aussi !
Vous
venez de réaliser le dernier concert d'enregistrement de votre
intégrale des sonates de Beethoven le 25 avril, comment avez
vous vécu tous ces concerts, notamment les avez vous vécus
tous de façon semblable ou différemment au fil du temps
ou selon leur programme ?
Effectivement j'ai donné les deux derniers concerts de cette
intégrale à l'Arsenal de Metz les 24 et 25 avril dernier,
avec un final assez original comprenant d'une part les trois premières
sonates dédiées à Haydn et le le lendemain l'opus
90, les Adieux suivies de la Hammerklavier qui couronnait l'ensemble
! C'est la première fois que je terminais les 32 sonates par
la Hammerklavier et non pas par les trois dernières. Ce qui peut
se justifier tant la sonate semble être sans équivalent
par ses dimensions, sa difficulté d'interprétation et
d'audition et son propos. De plus, c'est grâce à elle que
j'ai véritablement plongé dans l'univers beethovénien
il y a plus de 20 ans !
J'ai souvent comparé l'intégrale à une immense
croisière avec ses horizons lointains, ses tempêtes, ses
caps et ses longues traversées . Je dirais qu'au fil du temps
la traversée m'est devenue plus familière comme pour un
navigateur mais les périls, les risques et les enjeux artistiques
restent un défi permanent. Depuis deux ans et demi, j'ai apprivoisé
la salle de l'Arsenal ainsi que l'extraordinaire Steinway que j'ai eu
la chance de jouer durant cette intégrale. Un instrument exceptionnel
pour la musique de Beethoven avec une mécanique moderne mais
aussi des aigus rappelant les "Hammerklavier" du XIXème
siècle. Très délicat et périlleux à
maîtriser, il restera pour moi la signature de cette intégrale
.
Vous aviez déclaré au sujet de
l'oeuvre de Beethoven que "la maîtrise du langage beethovénien
reste un défi permanent" en ce qui concerne ce nouveau
coffret, y a-t-il une (ou des) sonate(s) dont vous avez eu le sentiment
de l'(les)avoir jouée(s) d'une manière particulièrement
différente de vos concerts précédents ou même
de leur préparation ?
Naturellement certaines sonates ont évolué car j'ai
acquis une plus grande expérience au fil des concerts. Par exemple
j'ai joué la Pastorale une trentaine de fois ces derniers mois.
Je pense que cela se ressent dans la version de Metz que le public va
découvrir sans ce second coffret. J'ai mis beaucoup de temps
avant de pouvoir maîtriser le redoutable finale de la sonate opus
78 "à Thérèse". Pierre Boulez
a dit qu'elle constituait le modèle de sa propre première
sonate. J'ai dû la rater un certain nombre de fois avant de pouvoir
la jouer correctement. Elle est l'une des grandes fiertés de
ce coffret !
Il faut aussi redire combien la présence du public est stimulante
et me pousse à prendre des risques techniques et musicaux. Les
mouvements lents sont plus habités que dans les versions studio
grâce à ce public pour lequel on donne tout ce qu'on est.
La flexibilité et la liberté se ressent également,
loin de cette recherche factice de perfection que le studio suggère.
Je pense que l'avenir du disque, de l'enregistrement en général
sera "en public", au disque comme en vidéo. Le public
a soif de cette authenticité si compromise ces dernières
années. Je n'ai pas peur de laisser quelques accrocs dans ces
enregistrements "live" ! Après tout ils sont vivants
comme les interprétations.
Ce coffret contient cinq sonates courtes, vous
aviez dit lors d'un précédent entretien que pour vous
l'une d'elle ( opus 49 n°1) était un "bijou de classicisme"
mais qu'en est-il des autres (opus 49/2, opus 54, opus 78, et opus 79)
: en quoi ces sonates voire sonatines, qui dans l'ensemble ont eu moins
de succès auprès du public depuis leur création,
vous semblent-elles cependant mériter aussi qu'on ne les néglige
pas et qu'elles soient jouées en concert ?
Je
viens d'évoquer l'opus 78 dont le premier mouvement commence
ni plus ni moins comme un adagio de Mahler. Les petites sonates sont
en général des laboratoires, des "études"
qui lui permettent de franchir des étapes capitales pour écrire
l'histoire de la musique avec un grand H dans les "grandes"
sonates selon la propre dénomination de Beethoven ! Dans l'opus
54 par exemple, il expérimente les oppositions brutales de caractère
dans le 1er mouvement dans une forme de menuet. Puis de nouvelles formules
dans le final écrit en "toccata". Dans l'opus 79 "Alla
tedesca" ce sont les fondements du dernier Beethoven qu'on
entend, le thème du 1er mvt de l'opus 109 apparaît intégralement
dans son final, le mouvement lent quant à lui annonce les Ballades
de Brahms ! Et la brièveté des mouvements préfigure
le style tardif des bagatelles ou des variations Diabelli ! Mais avant
tout, ce sont des uvres magnifiques !
Votre coffret regroupe des sonates se suivant
chronologiquement n° 15 à 28 hormis les 26 et 27ème,
vous avez cependant choisi de les présenter dans un ordre différent,
cet ordre est-il bien celui des concerts, pourquoi avez-vous préféré
les présenter aussi dans cet ordre sur vos disques plutôt
que de les réorganiser ? Selon quels critères avez-vous
construit le programme de chaque concert ?
Le premier disque est exactement l'ordre du concert, un des plus
parfait module qu'on puisse imaginer : "Pastorale"
et "Waldstein" encadrant les deux bijoux de l'opus
49. Le rêve ! Les 3 opus 31 se suivent également dans l'ordre.
Le dernier disque a subi de grandes transformations pour des raisons
purement techniques de minutage. Nous avons dû placer l'opus 101
dans ce disque bien qu'elle appartienne aux dernières sonates.
Finalement le public aura bien les 32 sonates à la fin ! On voit
bien que ces choix restent secondaires et il ne faut pas toujours en
chercher un sens caché. Ceci dit, les programmes des concerts
ont été respectés à 90%. Pour le bien-être
des spectateurs, pour qu'ils n'aient jamais le sentiment d'accumulation
mais au contraire cette sensation de suivre au fil du temps cette uvre
inégalée et inégalable.
Ce coffret contient donc sept sonates plus longues,
quatre ont reçu un titre évocateur : "Pastorale",
"La Tempête", "Waldstein" et "Appassionnata"
, l'une en eut un pendant un moment : "La chasse" , pour la
sonate opus101 qui marque un tournant dans la composition de Beethoven
pour le piano celui-ci avait souhaité le titre "Für
der Hammerklavier" et la première de l'opus 31 qui fut longtemps
moins aimée du public n'en a pas ... que pensez-vous de ces sept
sonates composées en fait à des périodes très
distinctes , le moindre succès de l'opus 31 n°1 vous semble-t-il
justifié et trouvez vous que les désignations soient vraiment
appropriées et utiles hormis dans un but commercial ?
Comme
je l'ai dit plus haut les sonates "à titre" sont des
marqueurs, des jalons, des moments historiques. Beethoven y accomplit
souvent des prodiges et écrit l'histoire de la musique avec un
grand "H" ! La Pastorale offre une approche poétique
sans effets de manches et émeut par son style presque liquide
dans des tempi modérés et dans de vastes proportions.
La Tempête nous fait entrer dans le romantisme avec son tournoiement
célèbre dans le finale, ainsi que le geste épique
du 1er mvt. La Waldstein quant à elle décuple les possibilités
expressives et dynamiques de la sonate pour piano, avec de grands effets
virtuoses et spectaculaires comme les accords répétés
ou les glissandos. Mais c'est surtout l'introduction du final qui nous
fait imaginer la lugubre vision de l'aube qui annonce cet hymne au réveil
du monde poignant et transcendant symbolisé par l'un de ces thèmes
dont Beethoven a le secret, quelques notes sur une base harmonique très
simple du type de celui de l'Hymne à la joie par exemple.
Quant à l'Appassionata elle électrise n'importe
quel public, les connaisseurs comme les profanes ! C'est le rythme viscéral
comme Stravinski le concevra plus tard dans "Le Sacre du Printemps".
Pulsion essentielle et originelle, implacable et nécessaire.
Une réussite magistrale.
J'aime personnellement énormément l'opus 31 n°1. Beethoven
nous montre une facette rare de sa personnalité : l'humour. Selon
le mot d'Alfred Brendel, « l'humour est l'envers du sublime
» ! Comme dans les Variations Diabelli, ici tout est humour. Le
rythme boiteux du thème principal du 1er mvt, l'immense "adagio
grazioso" - deux termes en principe contradictoires !
- ou Beethoven semble se moquer des effets de manches des vocalises
rossiniennes qui n'en finissent plus de se répéter. C'est
le bijou de cette uvre. Quant au final sa bonhomie est assez inhabituel
tout comme ses questionnements, suspensions puis accélérations
et finalement ses accords mystérieusement étouffés
comme pour dire que tout cela n'était vraiment qu'une farce.
Il faut noter malgré tout que le plan de ce finale servira de
modèle pour le final de la grande sonate en la majeur de Schubert !
Rien que ça ! Tout y est calqué mais il faut tout de même
reconnaître que Schubert atteindra des sommets dans cette sonate
D959. J'encourage le public à écouter cette 16ème
sonate opus 31 n°1 qui reste un chef d'uvre méconnu.
Etes-vous prêt à relever rapidement
le nouveau défi de faire cette intégrale si un organisateur
de concerts vous le demande ou avez-vous envie de vous en séparer
un peu ?
J'ai toujours dit que ces intégrales n'étaient pas un
aboutissement, mais un début : le début de l'aventure
d'une vie, et je suis sûr que ces 32 sonates m'accompagneront
dans ma vie d'artiste tant que j'aurai la force de les interpréter.
Quelles sont actuellement les oeuvres que vous
travaillez plus particulièrement ?
Je vais créer un nouveau concerto pour deux pianos de Mantovani,
en compagnie de la jeune pianiste Varduhi Yeristyan. C'est un grand
honneur et un grand plaisir de créer une nouvelle uvre
d'un compositeur aussi exceptionnel que Bruno Mantovani qui est aussi
un ami.
Quels sont vos prochains concerts qui vous tiennent
particulièrement à coeur ?
Beaucoup de magnifiques projets comme le 2ème concerto de Bartok
à Varsovie. Les rencontres internationales de musique de chambre
de Salins les Bains, dans le Jura, pendant lesquelles je partagerai
la scène avec de nombreux amis comme Tedi Papavrami, Fabrice
Dalis, Xavier Phillips, ou Stéphanie-Marie Degand.
Puis ce sera pour moi un rendez-vous très important les 28 et
29 juin prochains puisque je dirigerai pour la première fois
du piano l'orchestre Philharmonique de Liège dans les premiers
et cinquième concertos de Beethoven. Un rêve de toujours
qui se réalise avec un merveilleux orchestre que je connais bien
et un défi personnel excitant et électrisant.
Pour écouter
Ludwig Van Beethoven
Sonate en Fa Dièse Majeur, Op. 78, «A Thérèse»
- allegro-vivace
François-Frédéric Guy, piano
avec l'aimable autorisation
du label Zig-Zag Territoires
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