La Mainmise François Piquion
La
Mainmise
François Piquion
La Mainmise est le premier livre de François Piquion
qui ajoute ici le talent d'écrivain à ses multiples
compétences puisqu'il est aussi pianiste de jazz et, alors
qu'il n'a qu'une trentaine d'années, il a également
été précepteur dans les beaux quartiers,
sondeur par téléphone, concepteur de sites web,
professeur de français en grande banlieue ou encore rédacteur
de compte-rendu pour des réunions ministérielles
ou des conseils dadministration, banquier...
S'attaquer à l'écriture d'un roman n'avait rien
d'une fantaisie de sa part pour allonger sa carte de visite, en
effet François Piquion a aussi été sur les
bancs des classes préparatoires littéraires du Lycée
Henri IV et a par la suite obtenu une maîtrise de lettres.
Il est vrai que la qualité de son écriture et de
son vocabulaire, montrent que ses études ont été
efficaces à défaut peut-être de lui avoir
procuré tout de suite un emploi stable !
A côté de ses qualités littéraires,
son imagination débridée contribue également
à la réussite de son roman, un polar riche en rebondissements,
bien rythmé, qui pourrait sans peine être le scénario
d'un film voire d'une bonne série policière puisqu'il
a déjà le projet d'écrire une suite. En voici
juste la trame de début, le suspense règnant tout
au long de la suite il serait bien sûr dommage de dévoiler
toute l'histoire : Olace Ferjeux, un jeune pianiste de jazz
sans grand avenir, souvent plus proche de la bouteille que du
clavier, est pris en auto-stop par un homme d'affaires pressé
et visiblement angoissé. Ils ne se disent que quelques
mots. Mais le lendemain , les journaux annoncent le suicide du
business man et les ennuis commencent...
Au delà du simple polar ce livre est un roman noir qui
aborde en fait nombreux thèmes actuels qui ne laissent
pas indifférents et François Piquion a bien voulu
répondre à quelques questions pour en dire un peu
plus quoique de fait vous constaterez qu'il a beaucoup de choses
à dire !
Vous avez eu nombreux activités
de rédacteur de compte-rendu pour des réunions ministérielles
ou des conseils dadministration, professeur de français,
banquier à
pianiste, pouvez-vous expliquer un peu
votre parcours, comment êtes-vous passé de lun
à lautre et quel est en fait votre "métier"
aujourdhui ?
Pardon d'avance pour cette réponse si peu synthétique
mais pour comprendre mon parcours, il faut remonter 15 ans en
arrière...
Après des années d'étude du piano classique
au Conservatoire de Strasbourg, j'ai découvert le jazz
par un ami, au lycée, et me suis immédiatement passionné
pour cette musique. Le bac en poche, j'ai eu l'opportunité
d'aller à Paris en classes préparatoires littéraires,
une opportunité que j'ai saisie bien que déjà
me travaillait l'idée de plonger totalement dans le travail
du jazz. Seulement j'étais trop novice encore dans cette
musique pour sacrifier cette formation de haut niveau en sciences
humaines au Lycée Henri IV alors que je ne pouvais pas
évaluer sérieusement mon potentiel en jazz. J'ai
donc été pensionnaire à Henri IV pendant
deux ans, étudiant les lettres le jour et travaillant de
plus en plus le jazz la nuit, sur les pianos dont disposait le
lycée, enthousiasmé par la découverte des
clubs de la rue des Lombards et rêvant d'y jouer à
mon tour. C'est ainsi que le Parloir de ce lycée est rapidemment
devenu mon local de répétitions où dautres
musiciens me rejoignaient le week-end pour jouer.
A l'issue de ces deux années, j'ai donc formé mon
trio de jazz, autour de mes premières compositions, et
commencé les concerts, tout en poursuivant mon cursus littéraire
à l'université.
Après ma maîtrise de lettres, j'ai décidé
de me consacrer exclusivement au piano jazz, régulièrement
rattrapé par les contingences financières qui m'ont
conduit à exercer ponctuellement des activités parallèles
(professeur de français, rédacteur de conférences,
concepteur de sites web, etc...). Peu à peu, j'ai été
amené à jouer dans les clubs qui me faisaient rêver
(une forme d'aboutissement personnel sur le plan musical).
Fin 2002, je rencontre Karine Niclas qui fonde avec moi Novembre,
duo puis groupe de chansons à textes. Je découvre
le plaisir d'écrire des chansons, texte et musique.
Après presque dix ans de cette vie musicalement intense
mais financièrement difficile, la perspective de bâtir
une famille m'a fait basculer dans le vrai salariat et, tout en
assurant plus de deux années de concert avec Novembre,
je suis devenu, un peu par hasard, conseiller financier. Avec
la naissance de mes enfants, ma disponibilité pour la musique
s'est sensiblement réduite, sans pour autant diminuer mon
besoin d'expression et de créativité. L'écriture
s'est faufilée dans cette brêche et c'est ainsi que
j'ai commencé à écrire La Mainmise.
Cette expérience a été pour moi une vraie
révélation. Le plaisir et le naturel avec lesquels
j'ai écrit ce livre m'ont fait réaliser qu'écrire
correspondait à un désir encore plus profond, plus
archaique que le jazz.
Aujourd'hui, je suis toujours conseiller financier. Le piano
est un peu en suspens. Je travaille à l'écriture
d'une suite de La Mainmise et ai d'autres projets de roman.
Comment vous est venue lidée
de ce roman et notamment de la base de lhistoire : une magouille
financière ?
Jai dabord eu envie décrire la toute
première scène du livre, cette arrivée en
stop dans une station service. Cest une scène que
jai vécue à lépoque des grèves
de 1995, quand je faisais moi-même des allers-retours Paris-Strasbourg
en stop. Jai trouvé que cela ferait un bon début
de polar et lintrigue sest alors dessinée peu
à peu. Jai laissé passer un an, ébauchant
petit à petit la trame du roman. Puis lété
suivant, jai écrit la quasi-totalité du livre.
Lidée dun scandale politico-financier est
venue toute seule. Elle sest imposée en quelque sorte,
une fois décrit le personnage de lautomobiliste qui
prend le narrateur en stop. Je nai eu quà tirer
ce fil.
Votre héros est un pianiste de jazz,
vous êtes vous-même pianiste de jazz, nest-ce
pas
difficile de choisir un héros qui sans doute quelque part
vous ressemble peut-être un peu,
comment avez-vous fait pour mettre au point ce personnage et pourquoi
avez vous choisi ce drôle de nom : Olace Ferjeux ?
Si le héros me ressemble apparemment pianiste
de jazz et de grande taille cest sans doute parce
que la première scène est directement inspirée
de mon expérience personnelle et ma conduit à
donner à mon personnage quelques-unes de mes caractéristiques
(même si je ne connais heureusement pas ses problèmes
dalcool). Et puis javais envie de parler du milieu
du jazz. Pour autant, je me suis assez rapidemment décollé
de ce narrateur qui, au fil de lécriture, est vraiment
devenu un personnage autre, avec seulement un lointain rapport
avec moi.
Le prénom dOlace mest venu dun seul coup,
comme une évidence. Il avait quelque chose de « tombant »,
évoquant bien la fatalité qui sabat sur ce
narrateur looser, et javais envie quil soit original.
Le nom Ferjeux a été plus long à trouver.
Cest en fait un ancien prénom, inusité aujourdhui,
dont jai aimé la polysémie.
Votre
livre est un polar mais est aussi un roman noir, et vous y dénoncez
des faits de société : une magouille financière
dans laquelle est impliquée la police et le gouvernement,
avez-vous personnellement une vision pessimiste de notre société
?
Non, je nai pas une vision pessimiste de notre société.
Je nai pas de tendances anarchistes et je déteste
le « tous pourris ». Je suis même plutôt
attaché aux valeurs républicaines, à ce que
peut représenter la chose publique, lintérêt
général. Mais cest justement parce que je
respecte certains principes républicains et, plus largement,
démocratiques, que je suis régulièrement
révolté par certains scandales politiques ou financiers.
Que lexercice du pouvoir - économique ou politique
- nécessite des compromissions et ne soit pas toujours
aussi déontologique quon le voudrait ne me choque
pas. Cest une question de limites.
Or, on a déjà vu une multinationale manipuler le
cours de son action en bourse pour cacher son véritable
état et offrir en fin dannée un bilan acceptable,
au risque de suppressions demplois en pagaille au moment
où la vérité éclate.
On voit aussi trop souvent des intérêts convergents
entre ce qui relève du secteur privé et devrait
à mon sens y rester et les politiques. Quun
dirigeant dune grande entreprise française puisse
ensuite devenir ministre et avoir justement sous sa tutelle cette
même entreprise quil dirigeait jusque-là constitue
à mes yeux une source de conflits dintérets
et ouvre grand la porte du trafic dinfluence.
Et ces deux exemples sont pourtant bien tirés de la vie
réelle. Je nai fait quen grossir un peu les
traits dans mon roman.
Enfin, plus généralement, laffaiblissement
des pouvoirs politiques (voire leur soumission) face aux décideurs
économiques est un problème qui émergeait
déjà lorsque jai écrit lessentiel
du livre il y a deux ans et qui aujourdhui, avec la crise
actuelle, prend toute sa dimension.
Ce sont ces travers, ces déviances que je mets en scène
à travers le complot dans lequel est pris mon narrateur.
Cela ne mempêche pas au contraire - davoir
une grande estime pour le combat politique et du respect pour
le monde entreprenarial.
Sur laspect noir du roman, le choix des lieux et des atmosphères
(motel, casse, carrefour de banlieue, etc....) sest fait
de lui-même. Et révèle ainsi mon regard sur
la société qui peut en effet être sombre,
ce dont je navais pas tout à fait conscience avant
décrire le livre.
Vous décrivez aussi plusieurs scènes
cauchemardesques dans des cliniques, et vous avez imaginé
que le personnage Rose, qui pourrait aider le pianiste à
prouver son innocence, y était enfermée sans son
consentement ... est-ce un univers qui vous touche et où
vous avez peut-être aussi travaillé, avez-vous un
point de vue particulier sur la situation dans les cliniques ou
hôpitaux psychiatriques français aujourdhui
et les gens qui y sont enfermés ?
Je nai aucune expérience du monde psychiatrique
et nai livré dans le roman quune vision fantasmée
de cet univers. Cest le développement du scénario
qui ma mené sur cette piste de lenfermement
en hopital psychiatrique. Mais, à y réfléchir,
le point commun de Rose et dOlace nest-il pas quils
sont lun et lautre privés de leur liberté.
Physiquement et psychiquement pour Rose, plus indirectement pour
Olace qui, sil veut être libre de poursuivre sa vie
comme il la menait jusque-là, est contraint de résoudre
laffaire. Il est dailleurs lui aussi incarcéré
lors de sa garde à vue. Or la liberté est une question
à laquelle je suis très sensible et sur laquelle
jespère revenir plus directement dans un prochain
roman.
Dans
votre livre vous mettez à linverse en lumière
un univers beaucoup plus accueillant celui des club de jazz, mais
où règne la bière
, une scène
se passant au Sunset, cest un lieu que vous semblez affectionner,
mais ne craignez-vous pas cependant de donner une image que les
musiciens de jazz aimeraient quitter : celle de buveurs de bière
?
Vous avez raison : tous les jazzmen ne sont pas alcooliques
très loin de là - et, de ce point de vue,
mon livre ne leur rend pas justice. On pourrait dire que jai
cédé au vieux cliché du jazzman poivrot et
on naurait pas tort. Cela dit, jaimais assez lidée
de mesurer langoisse et la désespérance de
mon héros à son degré dalcoolisation
croissant au fil du livre. Et puis, il existe tout de même
encore quelques jazzmen imbibés...
Vous maintenez une forte tension tout
au long de votre livre, vous-même dans quelles conditions
étiez-vous lorsque vous lavez écrit, comment
avez-vous vécu cette écriture ?
Une de mes ambitions était précisément
de créer cette tension et ce rythme tout au long du roman.
Et je suis donc très heureux quon le retrouve dans
le livre. Pour ma part, je nétais pas tendu en lécrivant.
Jétais à la fois obsédé par
lécriture et euphorique. Je nen revenais pas
dêtre en train décrire mon premier manuscrit
et javais une immense impatience de finir, dêtre
déjà au bout et de pouvoir me dire, indépendamment
de la qualité du livre, que javais conduit mon histoire
du début à la fin. Peut-être retrouve-t-on
un peu de cette impatience dans le rythme du roman ?... Jai
découvert quà linverse dune chanson,
écrire un roman est une rude épreuve dendurance.
Aviez-vous une musique particulière
en tête lorsque vous avez écrit ?
Je navais pas de musique en tête en écrivant.
Jai du mal à faire autre chose quécouter
lorsque je mets un disque. Surtout si la musique me parle. Les
deux activités sont vraiment dissociées pour moi.
A lexception de la scène dans le club de jazz, où
là, en effet, jentendais la musique que jessayais
de décrire : un morceau médium up, avec walking
bass et swing tendu. Un thème « qui envoie »,
comme on dit...
Avezvous dautres projets décriture
ou musicaux en cours ?
Jai commencé lécriture dune
suite de La Mainmise et ai un autre projet qui nest
pas un polar cette fois dont jai écrit le
premier chapitre et auquel je me consacrerai quand jaurai
fini cette nouvelle aventure dOlace.
Musicalement, nous devrions reprendre les concerts avec Novembre
dici peut-être un an.
Quels sont vos prochains concerts ou séances
de dédicaces ?
Je serai au Salon du Premier Roman, à Draveil(Essonne),
le 14 Novembre 2009.
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© pianobleu.com - ISSN 2264-2056 ----
contact :
- Agnès Jourdain
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