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Gustavo Beytelmann Trio Piano violon clarinette

Gustavo Beytelmann Trio

L'autre visage

Piano : Gustavo Beytemann
Violon : Cyril Garac
Clarinette et Clarinette basse : Rémi Lemer

A découvrir ce disque de musique argentine, du pianiste et compositeur Gustavo Beytelmann, original par la formation musicale réunie ici : piano, violon , clarinettes et dont il ne faut pas limiter la musique au tango, comme vous le lirez dans une interview du compositeur et pianiste Gustavo Beytelmann : "Je refuse cette réduction qui m'a été un temps imposée en Europe. Je ne suis pas réductible à une catégorie. Je suis un homme de la musique argentine. Il suffit d'écouter mon oeuvre. Je fais de la musique argentine, une musique ouverte, faite de vents contraires, de tensions entre des éléments venant du grand large... Tout le contraire d'une identité folklorique, encore moins touristique"...et ainsi l'explique également Mathieu Cepitelli dans la dossier de presse : "Il y a dans la musique de Gustavo Beytelmann quelque chose de la langue de Borges : une langue limpide, parlée avec érudition et singularité. Certes, Gustavo Beytelmann parle sa « langue maternelle », le tango argentin, mais à l'instar de son français d'adoption, il la parle avec l'accent d'un exil averti (lucide, conscient de ses implications et de ses conséquences). « Liée au tango », sa musique prend dans ses racines porteñas les virtualités d'une langue nouvelle, soucieuse d'une modernité musicale hors de tout montage artificiel. C'est une langue issue de l'introspection et ouverte aux autres que parle Gustavo Beytelmann, profondément personnelle et qui rappelle, si besoin était, que le tango est une langue vivante.". ainsi dans la vidéo plus bas dans cette page vos pourrez découvrir le titre "Caravan" un morceau qu'aime particulièrement Gustavo Beytelmann depuis son enfance :"Mon père le jouait. Là aussi le rythme de la milonga lui sied plutôt bien. Il s'agit bien d'une traduction du jazz en tango, mais sans aucune atteinte au caractère de la pièce." Effectivement sa musique n'a rien de folklorique mais est beaucoup plus riche ainsi pourrez vous aussi vous en rendre compte dans le widget d'extraits qui en montre la variété.
Gustavo Beytelmann
Gustavo Beytelmann est né en 1945 à Venado Tuerto, Argentine, au sein d'une famille mélomane. Très jeune il commence à jouer du piano et accompagne son père, violoniste amateur de talent, dans les fêtes familiales.
A 13 ans, il rentre dans l'orchestre de bal où joue son père. Là, il apprend à interpréter
professionnellement le tango et d'autres musiques qui se dansent. C'est à partir de cette expérience qu'il décide de dédier sa vie à la musique.
En 1962, il étudie le piano, l'harmonie et la composition à l'Institut de Musique de l'Université de
Rosario. Quelques années plus tard à Buenos Aires il étudie la composition avec Francisco Kröpfl.
Dans cette ville il mène une vie professionnelle et artistique intense. Il compose des musiques pour le cinéma, il travaille pour l'industrie du disque comme pianiste et arrangeur, il fait partie de divers groupes de jazz. Depuis fin 1976 il vit à Paris.
En mars 1977 Astor Piazzolla l'invite à participer à sa tournée européenne qui commence à
l'Olympia à Paris. Un peu plus tard, avec d'autres musiciens argentins, il fonde « Tiempo
Argentino », groupe à la vie éphémère mais une étape importante dans son évolution de compositeur.
Puis il vit à Rome où il compose pour la radio, la télévision et le cinéma italien.
De retour à Paris il crée avec Juan José Mosalini et Patrice Caratini un trio qui se produira en Europe et en Amérique pendant plus de 12 ans. Ils enregistreront 3 disques qui témoignent de leur contribution à l'évolution du tango. Parallèlement, Gustavo Beytelmann écrit pour le cinéma français et allemand.
A partir de 1993 il intensifie son travail de composition. Il est compositeur en résidence à Dijon
(1995/1998) et à Guebwiller (2002/2003).
Depuis 1996, il est directeur artistique du Département de Tango du Conservatoire de Rotterdam.
En 2002 il est invité par l'Université de Seattle et de Bellingham (USA) à donner des master class sur sa musique.
En 2004 il est invité par le festival de tango de Buenos Aires où il joue un récital de piano solo au
Théâtre Colón.
Depuis la saison 2005/2006 il donne régulièrement des master class à l'Académie de Musique de
Monaco.
En août 2008 il est le compositeur en résidence du festival international de Moritzburg (Allemagne).
Gustavo Beytelmann , interview par les Editions Milan , éditeur de ce disque :
Vous êtes un compositeur argentin, installé à Paris depuis 1976. Que pouvez-vous nous
dire de vos « racines » argentines ?

Je suis né en 1945 à Venado Tuerto, un village (aujourd'hui une ville) situé à 450 kms à l'Ouest de Buenos Aires, un village au coeur de la pampa. On y cultivait encore les valeurs de
la fin du XIXe siècle, une culture de colons qui avaient arraché cette terre aux Indiens huit
décennies avant ma naissance. C'était le lieu d'une population mélangée - avec beaucoup
d'Irlandais par exemple -, un monde ouvert, pluri-linguistique...Tout cela au milieu des
vaches, du blé et du maïs. D'où un profond attachement, une profonde croyance dans les
valeurs républicaines, intégratives...
Si je devais résumer ma réflexion sur mes racines, je dirais tout simplement que c'était
l'Argentine, parce que nous étions là !
L'histoire de l'Argentine est une histoire courte. On comptait peu d'Indiens à l'est du
continent sud-américain et les Espagnols ne s'y sont guère implantés car il y avait peu d'or ou
d'argent. C'est le Rio de la Plata qui explique l'Argentine, dernier refuge avant le Cap Horn,
ou première étape après. La plupart des Argentins sont descendus du bateau.
A qui devez-vous votre formation musicale ?
Mon initiation à la musique, je la dois 1) à ma famille, 2) à la radio,, 3) à la pratique...
Ma famille constituait un milieu socialement très ouvert et par conséquent ouvert à toutes les
ambiances musicales. L'élément de connexion et de communication privilégié avec
l'extérieur, c'était la radio. On y écoutait beaucoup de musique, toutes les musiques :
Stravinsky, Armstrong, Parker, du tango, du folklore....
Quant à la pratique, mon père était un violoniste amateur de très grand talent, ma mère une
excellente pianiste. Et moi j'avais de bonnes oreilles...
Dans notre village, on comptait cinq ou six orchestres, composé chacun d'une douzaine de
musiciens. En outre, les orchestres renommés d Buenos Aires qui partaient en tournée
faisaient une halte à Venado Tuerto. Dès ma petite enfance, j'ai connu les orchestres de
Pugliese, Salgan, Agostino, et leurs instrumentistes mythiques, qui jouaient à quinze mètres
de mon lit. Vers Minuit, j'allais me coucher en laissant les fenêtres ouvertes et l'orchestre se
produisait en quelque sorte pour moi...Expérience déterminante.
Dès l'âge de cinq six ans, j'ai tout naturellement accompagné mon père au piano. J'ai appris à
jouer le jazz et le tango, musique familiale tout autant que familière. Je ne savais pas
comment jouer ou non le tango, je suis né dedans....
Vous n'aimez cependant pas qu'on vous réduise au Tango !
Oui. J'insiste fortement pour dire que je ne suis pas un homme de tango. Je refuse cette
réduction qui m'a été un temps imposée en Europe. Je ne suis pas réductible à une catégorie.
Je suis un homme de la musique argentine. Il suffit d'écouter mon oeuvre. Je fais de la
musique argentine, une musique ouverte, faite de vents contraires, de tensions entre des
éléments venant du grand large... Tout le contraire d'une identité folklorique, encore
moins touristique...
Comment est née votre vocation de musicien ?
Dès l'âge de treize ans, j'ai passé un examen pour jouer dans l'orchestre de bal où mon père
jouait. C'était une nécessité économique, ma famille n'avait guère les moyens de me payer
des études. Mais cette nécessité économique n'explique qu'en partie ma décision. Car plus
profond que la décision, il y a le choix. Et l'élément fondamental, l'élément d'appel, c'était
ce que j'appelle la pratique. J'insiste...pas à cause de l'argent, pas à cause du jazz, pas à
cause du tango...mais à cause de la pratique. Le contexte a sans doute influencé la décision,
mais le choix, ce qui vient du plus profond, s'explique par le besoin physique de jouer de la
musique : la pratique...
Comment étaient constitués les orchestres de l'époque ?
Ces orchestres fonctionnaient sur la base tipica et jazz. Il y avait l'orchestre de tango et
l'orchestre de jazz. Ce dernier interprétait aussi bien du mambo, du rock, du Glenn Miller, de
la variété. Avec cette caractéristique que les musiciens pouvaient jouer plusieurs instruments
(Bandonéon et saxo en tête). Moi, j'étais plus doué pour le jazz. D'ailleurs lorsque je
m'installe devant un piano, c'est Ellington qui tombe naturellement sous mes doigts.
Aujourd'hui encore...
Très tôt vous quittez votre famille et vous vous installez à Rosario.
Pour assumer cette vocation, j'ai quitté la maison vers l'âge de 16/17 ans, juste après le
Lycée. Ceci contre l'avis de mon père qui, tout en étant musicien, ne trouvait pas très
catholique que je le devienne aussi. Je suis arrivé à Rosario où j'ai passé un examen à
l'Institut de Musique de l'Université. Ce fut une période dure mais intense où je ma partageais
entre les cours et le travail quotidien de pianiste de cabaret. Tard couché, tôt levé. Mais que
de découvertes, que de libres discussions, que d'échange de répertoire. La musique
m'entourait...
Cependant j'ai vite étouffé, le travail devenait trop difficile, les orchestres de tango et de jazz
disparaissaient pour être remplacés par des ensembles Yé-yé. Je décidai donc de partir à
Buenos Aires.
Ce fut un choc ?
Oui. Mes amis m'encouragèrent, mais se confronter à la grande ville, surmonter ses peurs, ce
fut une expérience très difficile. J'en ai eu des migraines durant un an. Bonjour Docteur
Freud !
Cependant la vie est devenue un tourbillon exaltant. J'ai pu étudier avec Francisco Kröpfl. Je
considère cette rencontre comme capitale. Il m'a fait comprendre que la musique peut et
doit être pensée. Cette prise de conscience m'a permis de commencer un travail sur moi-même. Au bout d'un an, par une succession de rencontres, j'ai travaillé pour le cinéma. J'ai composé
la musique de film de Leopoldo Torrès Nilson : La mafia. Un succès. En six ans, j'ai ainsi
écrit plus de quarante musiques de films. En plus, par une succession d'opportunités, j'ai pu
travailler en tant qu'arrangeur pour des chanteurs de rock et de variété. Je dirigeai aussi un
ensemble de musique contemporaine. J'ai participé à une centaine de disques. Pendant ces
huit années passées à Buenos Aires j'ai mené une vie de fou, une vie comme seule une ville
de douze millions d'habitants le permet. Travailler comme un malade est possible si des
millions de types en font autant.
Comment vous êtes- vous retrouvé à Paris ?
Comme pour en ajouter à cette vie trépidante, j'avais aussi des engagements sociaux : ce qui
m'a valu d'être chassé par la junte. Aussitôt, j'ai gagné Paris.
C'en était fini de ma vie en Argentine, c'en était également fini d'une certaine carrière de
compositeur ou de musicien. Dans l'avion qui m'amenait en France, je me suis promis de
ne plus jamais faire des choses que j'avais déjà faites.
Commença alors, à Paris, une période non d'action mais d'introspection. J'ai décidé de penser
davantage à qui j'étais, à ce que je voulais faire, à bâtir une oeuvre personnelle. Ce que la
tempête permanente d'activités rendait impossible à Buenos Aires. Après trois ou quatre ans
de vivotage musical où j'utilisais les facilités que j'avais dans les doigts pour composer ou
pour jouer, j'ai commencé quelques expériences musicales intéressantes avec Juan José
Mosalini, avec le groupe Tiempo Argentino... J'étais prêt techniquement pour l'aventure
artistique et j'ai commencé à écrire, en tâtonnant, une série de morceaux que j'ai intitulé
Raices. Ils constituaient l'embryon d'un objet artistique qui me représentait assez bien.
J'ai formé un trio (Mosalini, Beytelman, Caratini) et commencé à assumer pleinement le fait
d'être compositeur, c'est-à-dire non plus un pianiste qui compose, mais un compositeur
qui joue du piano. Mes recherches ont commencé à produire quelque chose qui
correspondait à ce que j'entendais intérieurement. J'avais trouvé ma route personnelle au
sein d'un langage qui n'est ni le tango, ni le jazz, ni la musique contemporaine mais qui
pourtant est nourri de tout cela.
Comment travaillez-vous ?
Je ne compose pas au piano, les idées musicales viennent de l'intérieur. Ensuite, il s'agit
d'articuler un flux. La musique est un flux articulé, comme un récit. Composer suppose donc
pour moi une technique du récit musical.
Je travaille sur deux fronts : celui des commandes (qui supposent des compositions précises),
et celui de l'inspiration personnelle (sans nécessités extérieures pour me pousser à la table)
J'essaie d'écrire régulièrement. Auparavant je me faisais une idée romantique de la
composition : écrire seulement lorsqu'on croit que les idées sont fortes ; aujourd'hui je crois
davantage au travail quotidien. Je ne crois plus à la possibilité de - pardonnez-moi
l'expression - de « pisser la musique ». Le langage musical est devenu si complexe que je ne
crois pas en un nouveau Vivaldi qui s'appuierait sur des canevas à broder différemment.
Aujourd'hui, on réinvente au fur et à mesure qu'on travaille. On crée lentement et on ne peut
avoir confiance en l'oeuvre précédente. Et peu importe le futur.
L' AUTRE VISAGE
1. Ofrenda
Cette pièce a été écrite le jour de la mort d'Astor Piazzolla. J'aurai pu l'intituler
« Tombeau de Piazzolla » ou « In memoriam... ». Mais non, j'ai préféré cette
offrande ou cet offertoire qui ne prétend pas recréer la manière dont Piazzolla
écrivait mais se présente plutôt comme une contribution à sa mémoire. Tout mon
travail a été de trouver un certain parfum qui rappelle Piazzolla tout en traitant
les choses de manière différente.
2. L'autre visage
Un morceau qui joue un double jeu. D'une part une expérience de langage
musical fondée sur une déconstruction des éléments du tango. D'autre part une
mise en relation de ces éléments déconstruits avec certaine technique d'écriture
du XXe siècle, en particulier de l'Ecole de Vienne. D'où le titre L'autre visage, jeu
entre l'apparence d'une forme et une autre forme.
3. Evocación
Un morceau inspiré par un tableau : Le bain turc d'Ingres. Plus que la sensualité,
j'y ai mis une certaine mélancolie. J'ai essayé de donner ma propre version,
subjective, du tableau d'Ingres. L'atmosphère générale de la pièce repose sur un
rythme plutôt soutenu mais avec une mélodie plutôt mélancolique. Un sentiment
ambigu en émane. Le solo de violon introduit une rupture, la pièce s'emballe et
semble aller autre part...puis elle meurt dans le silence par disparition
progressive de l'instrument.
4.5.6. Trois airs autour du tango
Des pièces écrites pour clarinette et piano et extraites du recueil : Huit pièces
autour du tango, une évocation des éléments marquants de cet univers musical.
La 1ère rappelle le caractère rythmique du tango, la 2ème son caractère vocal, la
3ème est une valse joyeuse.
7. Preludio n°1
L'exemple même d'un travail sur le langage musical où un rythme soutenu qui
peut rappeler Stravinsky soutient le modèle du tango. Il s'agit de partir des
articulations et des façons de dire du tango pour aller ailleurs. Deux parties très
contrastées, en forme d'aller retour créent une certaine tension. Ce morceau est
vraiment significatif de mon activité de compositeur depuis vingt-cinq ans.
Investigation et déconstruction, en relation avec le langage du tango, voilà ce qui
s'est imposé à moi.
8. Palomita blanca
Un classique du tango qui aura bientôt un siècle. Je voulais dans ce programme
insérer au moins une pièce appartenant au patrimoine culturel du tango. J'ai
choisi Palomita Blanca parce que ce n'est pas un oeuvre galvaudée (comme la
Cumparsita par exemple). J'ai réalisé ici un pur travail d'arrangeur, pour le trio,
tout en respectant la partition originale. Rester dans l'univers de l'oeuvre en
l'abordant autrement.
9. Ausencia
Une pièce au contenu fortement dramatique écrite pour violon et piano. J'y
explore des sonorités à travers la manière de jouer de ces deux instruments. Le
début du morceau traduit la résignation, puis devient l'expression d'une douleur
incontrôlable.
10. Bethsabée
Une autre pièce inspirée par un tableau, de Rubens cette fois. Une pièce plutôt
tonique, écrite pour que le soliste puisse briller techniquement. Toute la virtuosité
du violoniste s'exprime ici. Par ailleurs je ne trouve pas sans humour cette
situation du roi David qui attend que le mari s'en aille pour faire une proposition
à Bethsabée. Nos héros n'ont finalement pas plus de courage que vous et moi.
11, 12. Satin Doll & Caravan
Un travail de traduction. L'objectif : prendre deux pièces connues et
emblématiques de Duke Ellington et faire comme si elles étaient née dans un
quartier de Buenos Aires.
Satin Doll, dans la version de l'orchestre d'Ellington, est un morceau plutôt
optimiste. J'en ai fait quelque chose de plus méditatif, une milonga lente.
Caravan, c'est un morceau que j'aime particulièrement depuis l'enfance. Mon
père le jouait. Là aussi le rythme de la milonga lui sied plutôt bien. Il s'agit bien
d'une traduction du jazz en tango, mais sans aucune atteinte au caractère de la
pièce.
13. Queridas Memorias

À 65 ans, on commence à avoir la mémoire emplie de choses plutôt belles. Ici je
fais mémoire de ma mémoire, je lui rends hommage. Cela donne une pièce
d'allure métaphysique, qui ressemble à une forme de lied.
Pour conclure, je dirai que j'ai horreur des répétitions et que je suis
irrésistiblement attiré par l'improvisation.
C'est la marque de fabrique de ce programme. Aucune forme ne se répète, tout
change, de morceau en morceau.

Pour écouter des extraits de
Gustavo Beytelmann Trio
L'autre visage
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